THE RAKE’S PROGRESS, Stravinsky (1951) – dossier

Le compositeur

Igor Stravinsky (1882-1971)

Igor Stravinsky est né près de Saint-Pétersbourg en 1882. Il reçoit l’enseignement de Rimski-Korsakov, puis rencontre Serge de Diaghilev qui lui commande L’Oiseau de feu (1910), un ballet qui lui procure immédiatement une notoriété certaine. Notoriété qui prendra un formidable essor trois ans plus tard avec Le Sacre du Printemps (créé en 1913 au Théâtre des Champs-Élysées), qui exercera une influence durable 

sur la musique de la première moitié du XXe siècle. Fixé en France dès 1919, Stravinsky obtient la nationalité française en 1934. La guerre le surprend alors qu’il est aux États-Unis. Il y restera et obtiendra la nationalité américaine en 1945.

Son œuvre se caractérise par une perpétuelle évolution, au sein de laquelle on distingue traditionnellement trois périodes:

  • 1914-1920 : période marquée par un certain dépouillement et une grande clarté du discours musical (Histoire du soldat, 1918).
  • 1920-1952  : période marquée par une plus grande simplicité rythmique et une mélodie large et ample, le discours musical se faisant l’héritier de grands maîtres du passé aussi différents que Rossini, Tchaïkovski, Mozart, Beethoven ou Chopin (Noces, 1923 ; Œdipus rex, 1927 ; The Rake’s Progress, 1951).
  • 1952-1971 : période au cours de laquelle Stravinsky s’approprie le dodécaphonisme sériel.

L’œuvre de Stravinsky, qui explora les genres musicaux les plus variés (de la musique de ballet aux concertos, aux symphonies ou aux opéras)  est sans aucun doute l’une des plus importantes du XXe siècle. Elle se caractérise par une volonté continuelle de renouveler le langage musical et d’explorer de nouvelles voies, et, dans sa volonté de considérer la musique comme un langage parfaitement autonome, affranchi des discours picturaux ou littéraires, est constamment marquée du sceau de l’originalité et de la modernité.

Les librettistes

Wystan Hugh Auden (1907-1973) et Chester Simon Kallman (1921-1975)

Chester Simon Kallman (à droite sur la photo) est un poète, librettiste et traducteur américain. De 1951 à 1971, il fait paraître 4 recueils de poésies : An Elegy (1951), Storm at Castelfranco (1956), Absent and Present: poems (1963) et The Sense of Occasion: poems (1971). 

Wystan Hugh Auden (1907-1973) est lui aussi surtout connu en tant que poète : il publia au cours de sa vie quelque quatre cents poèmes, mais il est aussi l’auteur de plus de quatre cents essais et critiques sur des sujets extrêmement divers :  littérature, l’histoire, la politique, la musique, la religion,…

Kallman et Auden écrivirent le livret du Rake’s Progress (1951) pour Stravinsky, mais ils sont également les auteurs de livrets destinés à d’autres musiciens : Hans Werner Henze (Elegy for Young Lovers, 1961); The Bassarids (1966), ou encore Nicolas Nabokov (Love’s Labour’s Lost, basé sur la pièce de Shakespeare, 1973).  Ils ont également signé les traductions anglaises des livrets de Don Giovanni ou La Flûte enchantée (Kallman signant seul celles du Château de Barbe-Bleue, de Falstaff ou d’Anna Bolena).

La création

The Rake’s Progress, composé entre 1948 et 1951, fut créé à la Fenice de Venise le 11 septembre 1951. La distribution comprenait Robert Rounseville (Tom Rakewell), Jennie Tourel (Baba la Turque) et Elisabeth Schwarzkopf qui, à la demande du compositeur lui-même,  interpréta le rôle d’Anne Trulove.

L’œuvre

Collage musical typique du néoclassicisme des années 50, la partition sollicite fréquemment le pastiche et la citation. À la façon des opéras du XVIIIe siècle, l’œuvre est divisée en numéros nettement identifiables (l’air de Tom « Vary the tune« , celui d’Anne « Quietly night« ,…), reliés entre eux par des récitatifs accompagnés au clavecin. Pleine d’inventivité et d’originalité, la partition n’en revendique pas moins un lyrisme affirmé et une importance indéniable accordée à la mélodie. La musique prend forme sur une histoire se déroulant dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, inspirée en partie de la série de huit peintures A Rake’s Progress de William Hogarth, lesquelles peintures narrent le destin (fictif) de Tom Rakewell,  jeune héritier glissant peu à peu dans la débauche avant de finir dans la misère d’un asile d’aliénés.

L’Héritier prend possession des biens de son père l’Avare

L’Orgie

La Maison de jeu

La Maison des fous

Le livret de Wystan Hugh Auden et Chester Kallman reprend l’histoire narrée dans les tableaux de Hogarth mais y ajoute un personnage essentiel : la figure méphistophélique de Nick Shadow, qui sera l’âme damnée du roué Tom Rakewell. Ce dernier, jeune héritier paresseux et libertin, délaisse sa fiancée Anne Trulove pour tenter la fortune à Londres où on le voit frayer avec des prostituées dans le bordel de Mother Goose puis épouser Baba la Turque, célèbre femme à barbe, dans le but de trouver la gloire. Il se lance ensuite dans un grand projet utopique, une machine qui transforme les pierres en pains et qui le laissera ruiné. Toujours tenté et trompé par Nick Shadow, Tom finira par jouer son âme aux cartes. Il gagnera contre Nick, grâce à l’influence bénéfique de la fidèle Anne Trulove mais en perdra la raison. Tom meurt dans l’asile d’aliénés où Anne vient le retrouver.

La fable morale se révèle être une véritable parabole sur l’époque à laquelle elle a été écrite, c’est-à-dire au début des années 50, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Malgré l’optimisme et l’espoir ambiants, les grandes utopies sociales du début du 20ème siècle ont été balayées. L’individu est devenu l’unique acteur de sa destinée et de son émancipation, un consommateur compulsif amateur de plaisirs immédiats dans un société du nihilisme et de l’illusion où la moindre vie n’est plus qu’une marchandise soumise aux lois du marché, à l’offre et à la demande. Il resterait bien l’amour mais lequel ?

Pour voir et écouter l’œuvre

CD

Stravinsky / Reardon, Young, Raskin, Sarfaty. Royal Philharmonic Orchestra, 2 CD Sony, 1991 (capté en 1964).

Chailly / Ramey, Langridge, Pope, Walker. London Sinfonietta Chorus, London Sinfonietta, 2 CD Decca (1984)

Nagano / Ramey, Hadley, Upshaw, Bumbry. Chœur et Orchestre de l’Opéra de Lyon. 2 CD Erato (1996)

Gardiner / Terfel, Bostridge, York, von Otter. Monteverdi Choir, London Symphony Orchestra, 2 CD DG (1999).

DVD et Blu-ray

Haitink – Hockney / Ramey, Goeke, Lott, Elias. The Glundebourne Chorus, The London Philharmonic Orchestra. 1 DVD Opus Arte, 2005 (Glyndebourne 1975).

Cambreling -Immendorff / Best, Hadley, Upshaw, Pederson. Vienna State Opera Chorus, Camerata Academica. 1 DVD Arthaus Musik 2001 (Salzbourg 1996)

Jurowski – Hockney / Rose, Lehtipuu, Persson, Manistina. 1 DVD Opus Arte, Glyndebourne 2010.

Streaming

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Nagano – Arias / Ramey, Hadley, Upshaw, Vergara. Aix-en-Provence, 1992.

Comptes rendus des représentations du RAKE’S PROGRESS :