EL AMOR BRUJO (L’Amour sorcier), Falla (1915) – dossier

Manuel de Falla, El amor brujo (L’Amour sorcier), créé (dans sa première version) le 15 avril 1915 à Madrid (Théâtre de Lara).
LES AUTEURS
Le compositeur
Manuel de Falla (1876-1946)
Falla s’illustra tout d’abord dans le genre de la zarzuela, mais c’est un premier opéra qui lui apporte la notoriété : La Vie brève, représenté à Nice en 1913. Un séjour dans la capitale française lui permet de se lier avec des compositeurs tels Debussy, Ravel, Dukas
ou Albeniz, qui auront sur lui une certaine influence. Après La Vie brève, il compose sept Chansons populaires (1914), les ballets L’Amour sorcier (1915) et Le Tricorne (1919), Le Retable de Maître Pierre (1923). Une dernière œuvre, L’Atlantide, restera malheureusement inachevée. La personnalité singulière de Falla lui permit de créer une œuvre particulièrement originale qui en fait l’un des musiciens les plus séduisants et les plus intéressants de son temps.
Le librettiste
Gregorio Martínez Sierra (1881-1947)
Gregorio Martínez Sierra est né le 6 mars 1881 à Madrid. Il est essentiellement connu en tant que dramaturge (il est l’auteur du Chant du berceau, qu’il portera également à l’écran en 1933) , mais il fut également poète (Flores de escarcha,1900 ; La Casa de la primavera, 1907), romancier (Sol de la tarde, 1904 ; Tu eres la paz,1906 ; El amor catedratico, 1910), metteur en scène et éditeur : il crée en 1907 la maison d’édition Renacimento, qui lui permettra notamment de traduire et d’adapter de grands dramaturges étrangers (Shakespeare, Pirandello, Maeterlinck, Bernard Shaw,…).
Très actif dans le milieu théâtral espagnol du début du XXe siècle (il dirigea le Théâtre d’Art et le Théâtre Eslava de Madrid), il accorda une attention toute particulière à la mise en scène mais aussi aux œuvres de jeunes écrivains à l’orée de leur carrière (tel Federico García Lorca).
Gregorio Martínez Sierra meurt à Madrid le 1er octobre 1947.
L’ŒUVRE
La création – les différentes versions
L’Amour sorcier (en espagnol, El amor brujo) est un ballet-pantomime en un acte dont le livret est signé G. Martinez Sierra.
Dans sa première version, lors de sa création madrilène au Théâtre de Lara le 15 avril 1915, il s’agissait cependant d’une « gitanerie musicale » en deux tableaux. La chorégraphie avait été conçue par Pastora Império, une gitane andalouse qui était alors une des plus célèbres danseuses flamencas de l’époque. Initialement conçue pour un orchestre de chambre et une cantaora (chanteuse de flamenco), l’œuvre sera remaniée pour pouvoir être exécutée par un orchestre symphonique et une mezzo-soprano : la nouvelle version de l’œuvre sera créée à Madrid en 1916. Enfin, en 1925, l’œuvre est de nouveau remaniée et devient un ballet, les parties chantées se trouvant alors supprimées.

Les livrets
Dans la version de 1916, l’œuvre se présente comme une pièce en deux tableaux, avec plusieurs personnages, passages dialogués, musique et passage chantés. Le personnage principal en est Candelas, une tsigane de Cadix, abandonnée par son amoureux. Elle se livre à une série d’incantations et autres rituels magiques pour tenter de le ramener auprès d’elle.
Le livret sera profondément remanié pour le ballet de 1925 : la gitane Candela est amoureuse de Carmelo. Malheureusement, le fantôme de son ancien amant revient la hanter et l’empêche d’aimer librement Carmelo. Le couple d’amoureux cherche alors un moyen de rompre le maléfice afin d’éloigner le fantôme : ils attirent l’attention du spectre sur une autre femme, et pourront ainsi échanger le baiser qui permettra au maléfice d’être rompu.
La musique
Le livret de Gregorio Martínez Sierra permet le déploiement d’une musique âpre, nerveuse, aux tonalités fantastiques, se signalant notamment par un sens des couleurs orchestrales remarquable. Si la version pour orchestre symphonique a très largement contribué à assurer la popularité de l’œuvre, elle a cependant sans doute quelque peu gommé certaines âpretés, certaines rugosités de de la version initiale…
L’œuvre séduit pas sa nature hybride, profondément originale, empruntant à des genres et esthétiques divers (musique instrumentale, ballet, théâtre, opéra), mais aussi par la variété des ambiances traduites musicalement par le compositeur : douleur amoureuse de l’âpre Canción del amor dolido (n°2), lumière incandescente émanant de la Danza del fin del dia (ou Danza ritual del fuego), douceur lancinante de la Romance del pescador (n°6), fantastique inquiétant de l’introduction de l’acte II et du Fuego fatuo (« feu follet », n°s 7 et 8), incantations saisissantes pour reconquérir l’amour perdu (n°13),…
Trois chants scandent l’action : la Canción del amor dolido (« Chanson de l’amour douloureux ») ; El circulo magico (« Le cercle magique »), incantations destinées à éloigner le fantôme ; et la Canción del fuego fatuo (« Chanson du feu follet »).
Pour voir et écouter l’œuvre
CD
Vandernoot / Oralia Dominguez. Philharmonia Orchestra (avec Le Tricorne, Sept chansons populaires espagnoles, etc.). 2 CD EMI, 1996 (enregistré en 1958).
Maazel / Grace Bumbry. Radio-Symphony-Orchester Berlin (avec Le Tricorne et Nuits dans les jardins d’Espagne). 1 CD DG (enregistré en 1965).
Carcia Navarro / Teresa Berganza. London Symphony Orchestra (avec El sombrero detres picos). 1 CD DG, 1989 (enregistré en 1977).
Cleobury / Claire Powell. Aquarius (avec El Corregidor Y La Molinera). 1 CD Virgin Classics, 1989.
Streaming
Cristian Măcelaru / Ruxandra Donose, Orchestre symphonique de la WDR. Kölner Philharmonie (2020)
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