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L’art lyrique à Lisbonne : entre opéra, fado et scènes alternatives

À Lisbonne, la scène lyrique s’articule autour d’un équilibre singulier entre institutions bien installées, patrimoine et créations contemporaines. Si le Teatro Nacional de São Carlos est historiquement le pilier de la programmation opératique, la capitale portugaise se distingue aussi par l’omniprésence du fado et par l’essor de formats alternatifs. Ce tissu musical riche témoigne d’une scène en constante réinvention, ouverte tant aux puristes qu’aux esprits disruptifs.

Le Teatro Nacional de São Carlos, berceau historique de l’art lyrique portugais

Inauguré en 1793 dans le quartier du Chiado, le Teatro Nacional de São Carlos s’impose aujourd’hui encore comme l’un des symboles majeurs de l’art lyrique au Portugal. Construit en à peine six mois suite au tristement célèbre tremblement de terre de 1755, il s’inspire directement du Teatro di San Carlo de Naples, tant sur le plan architectural que dans son ambition artistique. La Scala inspira également l’architecte du bâtiment, José da Costa e Silva, notamment pour la façade rappelant celle du temple lyrique milanais.  Salle à l’italienne, acoustique remarquable, plafond, dorures… L’endroit est tout simplement remarquable.

Le São Carlos au début du XIXe siècle

L’activité lyrique est très importante à Lisbonne dès le XVIIIe siècle, et le reste au XIXe où le São Carlos est un théâtre très nettement sous influence italienne : en 1799, Marco Portogallo (1762-1830) prend la direction du théâtre. Lui-même compositeur, il écrira pour Lisbonne une vingtaine d’opéras italiens.

En 1940, le São Carlos rouvre ses portes après une période de déclin. Il passe sous tutelle de l’état en 1946, et connaîtra par la suite quelques soirées et événements importants, parmi lesquelles la venue de Maria Callas en 1958, qui offre au public son interprétation de La traviata aux côtés d’un jeune ténor alors très peu connu : Alfredo Kraus. Cette soirée légendaire a fait l’objet d’une captation, publiée bien des années plus tard par EMI. Très récemment, quelques extraits filmiques du spectacle ont également été retrouvés :

https://www.youtube.com/watch?v=MHRj8NhBnf4

Par la suite, la programmation du São Carlos conjugue les grands titres du répertoire (Verdi, Puccini, Mozart…) à des œuvres moins connues et à des créations portugaises contemporaines. L’Orquestra Sinfónica Portuguesa créé en 1993 assure l’accompagnement musical, et le Coro do Teatro Nacional de São Carlos reste un atout essentiel. Le lyrique, ces dernières années, s’est fait un peu plus discret au Teatro Nacional de São Carlos, de nombreux concerts symphoniques ou lyriques étant également donnés à la Fondation Gulbenkian.

Musique à la la Fondation Gulbenkian

La fondation Calouste-Gulbenkian – du nom de son créateur Calouste Sarkis Gulbenkian (1869-1955), un industriel d’origine arménienne – est destinée à promouvoir le savoir à travers les arts, la bienfaisance, la science et l’éducation. Côté musique, la fondation dispose de plusieurs auditoriums, dont un « grand auditorium » de 1200 places. Lorenzo Viotti a été le chef de l’orchestre de la Fondation Gulbenkian de 2018 à 2021. L’actuel chef est le Finlandais Hannu Lintu.

Lorenzo Viotti
© Desiré van den Berg/Dutch National Opera
© Veikko Kahkonen

Le fado : une forme lyrique populaire et intime

Impossible de parler de la vie musicale de Lisbonne sans quitter le monde de l’opéra pour évoquer le fado, un mode d’expression musicale lyrique, populaire et intime typiquement portugaise. Né dans les quartiers populaires de Lisbonne au XIXe siècle, le fado est une forme de chant profondément lyrique, portée par une voix souvent féminine et accompagnée d’instruments à cordes pincées. Son esthétique repose sur en grande partie sur l’expression d’émotions, notamment de la célèbre saudade, cette mélancolie douce typiquement portugaise. Ainsi, le fado partage avec l’opéra une même exigence interprétative et un ancrage émotionnel fort.

« O Fado », tableau de José Malhoa (1910)

Depuis son inscription au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2011, ce genre musical connaît un regain d’intérêt, tant au Portugal qu’à l’international, notamment en Île-de-France. Des artistes comme Mariza, Carminho ou Ana Moura renouvellent le genre en lui apportant des influences contemporaines, sans en trahir l’essence profonde.

À Lisbonne, de nombreuses casas de fado, notamment dans l’Alfama ou le Bairro Alto, proposent régulièrement des concerts intimistes, dans lesquels la proximité entre le chanteur et le public est toujours essentielle. Un très intéressant musée est par ailleurs entièrement dédié au fado : ne manquez pas de le visiter lors de votre visite de la capitale portugaise !

Une scène lyrique en mouvement

La scène lyrique lisboète est bien vivante. Chaque été, le Festival ao Largo investit la place São Carlos avec des représentations lyriques gratuites en plein air, mêlant ainsi exigence artistique et accessibilité.

Outre ces manifestations classiques réputées, Lisbonne offre également un festival lyrique estival (Operafest) et propose parfois des expériences plus inattendues, notamment dans le cadre exceptionnel de la Quinta da Regaleira, à Sintra. En 2025, les concerts Nocturnes au Portail des Gardiões offrent un dialogue rare entre chant, musique et architecture.
Pour en savoir plus sur cet endroit pas comme les autres, lisez l’article de Bonjour Lisbonne.

FICHE TECHNIQUE DU SAO CARLOS

Architecte : José da Costa e Silva

Date d’inauguration : 30 juin 1793

Spectacle d’ouverture : La Ballerina Amante (Cimarosa)

Nombre de places : 1100

Adresse : R. Serpa Pinto 9, 1200-442 Lisboa

Site web du théâtre : cliquez ici !

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