Journée nationale de la laïcité : tous à l’Opéra !

Évoquer la Journée de la laïcité via un webzine d’opéra ? Pourquoi pas !

Établie depuis 2015 en France, cette Journée rappelle un  principe républicain qui organise la société depuis la loi du 9 décembre 1905 (séparation des Églises et de l’État). Un concept mûri par la pensée de Spinoza, Bayle, Voltaire, etc. Au XXIe siècle, la laïcité figure au nombre des « droits et libertés que la Constitution garantit » (2013) face à la neutralité de l’État. C’est investir l’autorité publique pour garantir la liberté de conscience. C ’est vivre ensemble les valeurs républicaines dans l’espace public en suspendant les appartenances, les assignations religieuses, sociales ou de genre.

L’Opéra, une ruche laïque ?

Ce principe se traduit-il à l’Opéra ? Au cœur urbanistique de la cité, soutenue par la puissance publique, une maison d’Opéra ne deviendrait-elle pas une ruche laïque en inscrivant les droits culturels dans ses missions, et récemment la charte éthique de la R.O.F. (Réunion des Opéras de France) ?

Côté fabrication du spectacle, les corps de métier de tout Opéra – artistique, administratif et technique – s’y organisent pour œuvrer ensemble, sans repli identitaire ni discrimination, en (récent) respect de l’égalité entre les femmes et les hommes. Côté programmation, depuis plusieurs décennies, les mises en scène d’opéra tendent à éclairer les antagonismes sociaux, religieux et les stéréotypes de genre, à déconstruire les présupposés racistes contenus dans les intrigues du passé afin de les contextualiser, ou de les dépasser, ou encore de les dénoncer. Cependant, lorsque l’expressionniste Sancta Susanna de Paul Hindemith et August Stramm (1922) évoque l’extase charnelle au couvent, la controverse s’allume encore pour certaines organisations cultuelles …

Qu’en est-il des interprètes programmés ? Les préconisations actuelles en faveur de la mixité de leurs origines sociales et du brassage des nations sont en germe depuis que l’opéra balbutie. Fils d’un négociant en laine (Pierre de Jélyotte),ou d’un boulanger (Luciano Pavarotti), fille d’un mineur et d’une lingère (Emma Calvé), ou d’une ouvrière du tabac (Mirella Freni), jeune afro-américaine issue d’état ségrégationniste (Barbara Hendricks) ou des îles caribéennes de Trinidad et Tobago  (Jeanine De Bique), elles et ils ont bataillé pour imposer leur talent lyrique exceptionnel.

Du côté des enjeux éducatifs et de formation, nouvelles missions des maisons d’opéra, la sélection de jeunes interprètes s’opère sur un large échiquier à l’Académie de l’Opéra de Paris ou à l’Opéra-Comique.  L’égalité des chances est un critère prépondérant pour recruter les jeunes scolarisés afin de constituer des maîtrises laïques ! En témoigne une pléiade de formations vocales en sus des jeunes orchestres Demos : la Maîtrise populaire de  l’Opéra-Comique, la Maîtrise de l’Opéra de Lyon, les ateliers Finoreille de l’Opéra de Lille, Opéra Junior à Montpellier, etc. Structures quue rien n’empêche d’ailleurs de chanter également le répertoire religieux, ou de chansigner un concert pour malentendants ou bien de participer aux commémorations républicaines : une manière de s’élever à la citoyenneté en pratique dès le plus jeune âge !

Côté public, les émotions au cours du spectacle d’opéra sont au rendez-vous ; elles se diffusent et se partagent depuis la place jusqu’aux entr’actes à tous les étages du Théâtre. Car dans ce lieu accueillant, cette cohésion qu’offre le spectacle vivant, spectateurs.trices font corps par leur écoute, leur vue et le moment collectif des applaudissements. Les différences s’estompent sans gommer notre liberté individuelle : nous devenons des citoyens lyricomanes  D’autant que les questionnements et les émotions surgissent quelle que soit la thématique de l’opéra : profane ou religieuse, cocardière ou mystique, antique ou futuriste, provocatrice ou bien-pensante, libertine ou pastorale, luxueuse ou écoresponsable … (allongez la liste ! )

Plus qu’une politique, un concept, une partition ostentatoire des espaces publics, la laïcité pourrait bien être une manière (soluble) de vivre l’opéra !

En dialogue avec la Laïcité, trois écoutes proposées

1. Hervé, Mam’zelle Nitouche, livret d’H. Meilhac et Albert Millaud (1883)


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 Joyeusement irrévérencieuse, l’opérette résonne en 1883 dans le paysage de la jeune IIIe République qui vient de déclarer le 14 juillet Fête nationale. L’intrigue est joyeusement anticléricale : Célestin, organiste du couvent des hirondelles le jour, compositeur d’opérette le soir (comme Hervé), entraîne la jeune pensionnaire Denise dans ses aventures théâtrales et militaires. 

Le comique nait du télescopage entre le prude univers religieux et l’univers théâtral aux mœurs lestes. Tendons l’oreille vers les couplets « Célestin et Florimond », enregistrement du chansonnier Dranem en 1931.

 Joyeusement irrévérencieuse, l’opérette résonne en 1883 dans le paysage de la jeune IIIe République qui vient de déclarer le 14 juillet Fête nationale. L’intrigue est joyeusement anticléricale : Célestin, organiste du couvent des hirondelles le jour, compositeur d’opérette le soir (comme Hervé), entraîne la jeune pensionnaire Denise dans ses aventures théâtrales et militaires. Le comique nait du télescopage entre le prude univers religieux et l’univers théâtral aux mœurs lestes. Tendons l’oreille vers les couplets « Célestin et Florimond », enregistrement du chansonnier Dranem en 1931.

2. L. Bernstein, Mass (1971)

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La célébration œcuménique que porte cette œuvre inclassable et hors norme embrasse plusieurs croyances sous les couleurs hippies des musicals contemporains et des marching bands. Écoutez la version des Proms londoniennes au Royal Albert Hall (2012) avec les BBC National Orchestra and Chorus, National Youth Orchestra, direction K. Järvi.

3. T. Escaich, Claude, livret de R. Badinter (2013, Opéra de Lyon)

Au cœur d’une tragédie pénitentiaire à Clairvaux, la dénonciation de la peine de mort s’inspire du roman de Victor Hugo, Claude Gueux (1834) pour cette création de notre temps (2013). Voilà un questionnement fort sur ce qui fait humanité et donc citoyenneté sur des valeurs républicaines. Questionnements et émotions : le compositeur, le librettiste et le metteur en scène s’impliquent dans l’œuvre et dans les mini interviews  … de manière laïque !