Livre – André Peyrègne, Petites histoires de la Grande Musique

Vous souhaitez acquérir une Histoire de la musique mais vous ne savez que choisir dans le dédale des publications ? Ce livre, écrit d’une plume alerte et savoureuse par un ancien chef d’orchestre attirera votre attention et attisera votre curiosité. Au fil des pages, l’on ne peut que confirmer le dicton selon lequel la réalité dépasse la fiction. Au détour d’anecdotes croustillantes, de morts énigmatiques, d’amours tragiques ou tourmentées, l’on plonge dans le contexte qui a présidé à la naissance d’une œuvre magistrale.

Paru aux éditions Desclée de Brower en octobre 2023, Petites histoires de la Grande Musique a été écrit par André Peyrègne, chef d’orchestre qui fut directeur du conservatoire de Nice de 1980 à 2015. Président d’honneur de la Fédération française de l’enseignement artistique, il est sollicité en sa qualité de musicologue et conférencier et collabore à plusieurs médias comme Nice-Matin, France-Musique, le Grove’s Dictionnary, Le Monde de la musique, La lettre du musicien, ou encore l’émission Secrets d’Histoire.

Les suggestions d’écoute au terme des courts chapitres nous font découvrir les œuvres phares du répertoire, les airs à connaître, ainsi que leurs compositeurs.

Saviez-vous que le crâne de Haydn avait été volé, fait l’objet d’un culte, analysé par des pseudo-scientifiques en vue de comprendre les éléments physiologiques du génie ? Véritable relique, il est passé de main en main et aujourd’hui encore, dans la tombe du compositeur de La Création, l’on trouve deux crânes dont l’un est censé être le véritable…

Le pauvre Purcell, buveur invétéré, rentrait tard de la taverne dans un état de déchéance que ne supportait plus son épouse Frances. À bout, elle le prévint : « La prochaine fois que tu rentres si tard, je ne t’ouvrirai pas ». Elle tint parole, mais l’hiver glacial sévissait à Londres en ce mois de novembre 1695. Purcell resta à la porte, balayé par les vents, et s’évanouit ainsi, blanc comme neige. Le lendemain matin, il put enfin trouver son lit et resta alité : il avait contracté une pneumonie. Alors que les forces lui manquaient, lui qui avait déjà écrit le fameux air du froid de l’Opéra Le Roi Arthur, poursuivit la composition de Don Quichotte et se raidit mortellement alors qu’il composait l’air suivant : « Un froid désespoir déguisé en neige et pluie, / Tombe sur ma poitrine, / Mes veines tremblent toutes, / Mon pouls bat une marche funèbre,  /Et mon pauvre et tendre cœur en bloc de glace se fige ».

De l’Antiquité à la Renaissance, mythes, légendes et faits divers se mêlent à l’histoire de la musique, chaque épisode nous plonge dans un moment décisif de l’Histoire. Comment Guy d’Arezzo a-t-il inventé les notes de musique ? Saviez-vous que le compositeur Gesualdo fut un assassin ? Connaissez-vous la légende de Blondel de Nesle et de Richard Cœur de Lion ? On tourne les pages de ce livre comme celles d’un roman et l’on voudrait s’appesantir davantage sur chaque anecdote tant le suspense est haletant et le style agréable.

Pédagogique et divertissant, cet ouvrage, composé de manière chronologique, nous montre dans quelles circonstances est né l’Opéra. On considère souvent Monteverdi comme le premier compositeur d’opéra, alors que l’honneur semble revenir à Jacopo Peri, en 1600, dans la Florence des Médicis.

Saviez-vous qu’un célèbre castrat du nom de Siface, bourreaux des cœurs, fut assassiné ou encore que Lully perdit la vie après s’être blessé avec sa canne de chef d’orchestre ? Heureusement, la canne fut remplacée par la baguette !

L’époque baroque fourmille d’éléments faustéens où l’imagination du lecteur saura être contentée : Stradella fut exécuté par un tueur à gages, Tartini était, dit-on, hanté par le diable, et, pire encore, Jean-Marie Leclair, l’aurait rencontré en personne ! Bach, fut soigné par un ophtalmologiste peu scrupuleux, un charlatan qui avait déjà abîmé la vue de Haendel ; il rendit Bach aveugle. Toutes ces petites histoires personnelles ont influencé les œuvres des compositeurs qui les ont vécues.

Aux sommets du classicisme, on rencontre une facette de Haydn qui aura échappé à plusieurs d’entre nous : le syndicaliste. Casanova, aurait quant à lui remplacé Da Ponte pour un passage du livret de Don Giovanni de Mozart ; il faut dire qu’il était plutôt expert en la matière….

 Le cadavre de Paganini a été volé à de nombreuses reprises ; Berlioz furieux et jaloux envisagea sérieusement de tuer sa fiancée ; Chopin se retrouva dans un bateau à bestiaux, au beau milieu d’un troupeau de porcs ; Liszt, le pianiste séducteur devint abbé ; Schumann intenta un procès à son beau-père ; Strauss père et fils se déchirèrent ; Tchaïkovski se sépara après un mois de mariage ; à 13 ans Isaac Albéniz s’enfuit en Amérique et fit carrière ; sourd, Smetana composa la Moldau, la prouesse de composer sourd avait déjà été relevée par le maître Beethoven dont il est aussi question et qui demanda à un ami entomologiste de revoir un de ses livrets…Gabriel Fauré aussi composa sourd ; Charles Garnier ne fut pas invité à l’inauguration de son opéra ; Bizet mourut dans des circonstances troublantes ; Borodine était chimiste ; Verdi joua un rôle dans l’unification italienne ; Wagner fut poursuivi par ses créanciers ; Puccini mourut en composant Turandot ; la psychothérapie sauva Rachmaninov ; la folie s’empara de Bruckner, Schumann ou encore Scriabine… Les anecdotes foisonnent mais restent pourtant très bien agencées et ordonnées chronologiquement.

Ce merveilleux livre instruit et divertit. Il se prolonge jusqu’au XXe siècle et nous propose non seulement des morceaux de musiques, airs d’opéras, sonates, symphonies, concertos mais encore des morceaux de vie, où la fièvre des compositeurs gagne leurs partitions et illumine leur existence.

André Peyrègne, Petites histoires de la Grande Musique (Desclée de Brower, 2023)