Christian Grenier, LE CODE ET LA DIVA

Il est toujours intéressant de voir comment, dans un ouvrage destiné au grand public, on se risque à parler de musique classique à des profanes. La chose est devenue si rare à la télévision, par exemple, qu’il faut nécessairement entourer de grandes précautions ce qu’appellent « grande musique » ceux qui l’écoutent le moins. Mélomane, Christian Grenier a choisi de parler d’une voix d’opéra dans son nouveau roman policier, et annonce la couleur dès le titre : Le Code et la diva.

Auteur de polars pour enfants (la série Hercule, chat policier) ou pour adultes, notamment autour d’une héroïne baptisée Logicielle, il publie pour la première fois aux éditions du Rouergue. Si l’intrigue tient la route et réserve jusqu’au bout quelques belles surprises, on s’intéressera ici principalement à son versant musical. La famille Gémeaux (le père, le fils aîné qui a mal tourné, et le bon fils cadet) est confrontée à une bande de malfrats qui veulent mettre la main sur un compte où ont été déposés plusieurs millions en bitcoin, mais il faut pour cela en découvrir le code d’accès, composé de numéros d’opus d’œuvres classiques (dont un intrus, qui est en fait le numéro d’un disque précédé du nom du label…). Et la diva est une sublime trentenaire autrichienne apparemment à l’aube d’une belle carrière, même si les étapes en laissent un peu songeur : d’abord mezzo, elle a abordé Cassandre des Troyens à 22 ans (!), puis Herodias de Salomé à 24 ans (ou 26, l’auteur se contredit quelques pages plus loin), puis elle est devenue soprano et a eu le temps de chanter les Quatre Derniers Lieder sous la direction d’Harnoncourt. Mais elle redevient mezzo à volonté pour chanter « O Mensch ! gib acht ! » dans la Troisième symphonie de Mahler – dont l’interprétation inspire quelques pages enflammées – ou le Requiem de Verdi. Plusieurs informations, très visiblement destinées au profane, feront sourire le mélomane : « Certaines [œuvres de Bach], comme son Oratorio de Noël ou ses Passions, durent plus de deux heures ! » (143). Effectivement, pour des gens habitués à quantifier la musique en termes de chansons ou d’album, deux heures, c’est un monde ! En revanche, on s’interroge sur ce commentaire prêté à M. Gémeaux père : « Barbe Bleue de B. Bartok, long (3h30) ». On se demande un peu quelle production a réussi à faire durer aussi longtemps une œuvre qui ne dépasse guère les soixante minutes de musique. On s’étonne aussi d’apprendre que le Requiem d’Alfred Bruneau est « sous-titré Lazare », tout simplement parce que ces deux œuvres bien distinctes sont réunies sur un seul disque…

Éditions du Rouergue, 17 juin 2020, 477 pages, 23 euros.