CD – Die Nacht is vorgedrungen – Noël sans sucres ajoutés

Les artistes

Richard Resch, ténor
Viktoria Wilson, soprano
Bernadette Beckermann, alto
Felix Schwandke, basse

Ensemble La Stilla

Le programme

Die Nacht is vorgedrungen

Œuvres de Jochen Klepper, Silvan Loher, Johann Rosenmüller, Franz Tunder, Wolfgang Carl Briegel, Dieterich Buxtehude, Christoph Graupner, William Byrd, Thomas Ravenscroft, Benjamin Britten et Dietrich Bonhoeffer.
1 CD Carpe Diem Records, enregistré en mai 2025 à la Kaiser-Friedrich-Gedächtniskirche de Berlin, 79’30

Tout vrai mélomane fuit avec horreur le disque de Noël, synonyme de guimauve écœurante où les plus grands s’abaissent à susurrer les rengaines les plus éculées, simplement parce que la ménagère de moins de cinquante ans se laisse bercer, décembre approchant, par « Mon beau sapin » et autres « Minuit, chrétiens ». Pourtant, il n’y a pas là de fatalité, et le ténor Richard Resch prouve avec son nouveau CD qu’il est possible de concevoir un programme en lien avec la Nativité sans basculer dans l’excès de glucose.

D’abord, grâce au choix des œuvres. L’essentiel du corpus date des xviie et xviiie siècles et exprime une authentique ferveur religieuse, bien antérieure à la commercialisation effrénée de 25 décembre. Les œuvres les plus anciennes viennent d’Angleterre, avec une pièce de William Byrd et une page de son contemporain moins illustre, Thomas Ravenscroft. On se déplace ensuite vers les terres germaniques, qui fournissent logiquement la majorité des œuvres, le ténor allemand chantant avant tout dans son arbre généalogique : le nom le plus familier sera ici celui de Buxtehude, mais tout comme Bach épousa la fille de son maître, Buxtehude avait convolé en justes noces avec la fille de Franz Tunder, compositeur également présent sur ce disque. Le morceau de résistance est une cantate de Graupner, mais l’on entend aussi une œuvre de son maître Briegel. Les chants traditionnels ne sont pas en reste, qu’ils viennent d’Europe de l’est, d’Allemagne ou de France, harmonisés par des compositeurs plus proches de nous. Le parcours s’ouvre et se ferme sur deux mélodies dont le texte fut écrit dans les années 1930, alors que la peste brune allait rendre les Noëls bien amers.

Ensuite, si ce disque échappe à l’indigestion, c’est aussi parce qu’il évite le trop-plein de calories des orchestrations habituelles. L’Ensemble La Stilla réunit une dizaine d’instrumentistes qui parent ces musiques de couleurs fraîches et boisées, sans jamais peser sur la partie vocale, avec des passages a cappella ici et là. Pour certains numéros, d’autres voix (Viktoria Wilson, soprano ; Bernadette Beckermann, alto ; Felix Schwandke, basse) s’ajoutent à celle du soliste principal, qui a eu le bon goût de partager la vedette avec ses collègues. Et l’on retrouve avec plaisir le chant simple et sans affectation de Richard Resch, qui ne joue en aucun cas au crooner mais respecte l’authenticité et le style de ces mélodies. Si le français est encore perfectible, on salue l’effort d’ouvrir le programme à des répertoires non-germaniques, dans ce disque qui garantit à l’amateur un Noël de vraie musique plutôt que de sucettes rebattues.