CD – Couperin, Lalande – Leçons de ténèbres

Paco Garcia, ténor
Etienne Bazola, baryton
Ensemble Les Surprises :
Juliette Guignard, viole de gambe
Etienne Galletier, théorbe
Louis-Noël Bestion de Camboulas, clavecin, orgue et direction
Couperin, Lalande – Leçons de Ténèbres
François COUPERIN (1668 – 1733)
Leçons de Ténèbres
Michel Richard de LALANDE (1657 – 1726)
Miserere
Guillaume Bouzignac : répons de Ténèbres: Unus ex discipulis
Anonyme : O mors, ero mors tua
Marc-Antoine CHARPENTIER : repons de Ténèbres Unus es discipulis, Tristis est anima mea
Cet enregistrement nous plonge dans une autre facette, sombre, de compositeurs français versés dans les leçons de Ténèbres. L’intimité domine, avec trois musiciens pour l’accompagnement des sept voix d’hommes : ici, aucune place pour les voix de femmes dans un choix assumé par Louis-Noël Bestion de Camboulas comme il l’explique dans le livret, s’appuyant sur une pratique de l’époque, à savoir la transposition prônée par Couperin lui-même. Ce qui nous ouvre « un office imaginaire dans un couvent masculin ».
D’emblée, a capella, ces voix nous interpellent avec l’impressionnant O mors de Guillaume Bouzignac. Le climat est créé, le ton est donné : celui d’une méditation musicale sur la fin dernière, à la lumière contrastée des Leçons de Ténèbres de François Couperin, de deux Répons de Marc-Antoine Charpentier et du Miserere de Michel Richard de Lalande. C’est le reflet d’un moment particulier dans l’histoire du catholicisme français, post révocation de l’Édit de Nantes en 1685 (si l’on excepte le choix de la courte partition de Bouzignac, datant des premières années du XVIIe siècle, choix purement musical et expressif).
Les deux Repons de Charpentier s’intègrent au cœur des trois Leçons de Ténèbres de Couperin, faisant alors une place au chœur. Datant de 1714, les Leçons furent l’une des œuvres sacrées les plus célèbres du XVIIIe siècle français. La première est confiée à Paco Garcia, voix de ténor quasi séraphique ; la seconde à Étienne Bazola dont le timbre de baryton est un baume. Les deux se rejoignent dans la dernière Leçon, elle aussi consacrée à la destruction de Jérusalem, symbole de l’abandon du Christ par les apôtres et de sa solitude absolue.
Logiquement, puisque le Miserere était traditionnellement chanté après l’office de ténèbres, le programme se referme sur un Miserere, le petit motet de Michel Richard de Lalande, originellement écrit « pour les Dames de l’Assomption et Chantez par Mesdemoiselles De la Lande (les deux filles du compositeur, Marie-Anne et Jeanne) à l’admiration de tout Paris ». Ici, le ténor chante seul les neufs parties, si l’on excepte quelques courtes interventions du chœur. Voix agile, jouant sur la sensualité (Cor mundum), Paco Garcia termine avec un Tunc acceptabis enjoué, dansant, exultant. Entamé dans l’obscurité, ce programme se referme dans un éclair lumineux.
Ainsi, ne cessant de mettre en valeur la voix, le texte, Louis-Noël Bestion de Camboulas mène ses musiciens de L’Ensemble Les Surprises vers des clairs-obscurs savants, bouleversants, d’une profondeur insondable.