CD / Wagner, Tristan und Isolde, Kleiber, 1973

Les artistes

Tristan : Wolfgang Windgassen
Isolde : Caterina Ligendza
Brangäne : Grace Hoffman
Kurwenal : Gustav Neidlinger
Marke : Gottlob Frick

Chœurs et orchestre de la Staatsoper de Stuttgart, dir. Carlos Kleiber

Le programme

Tristan und Isolde

Action en trois actes de Richard Wagner, créée à Munich le 10 juin 1865

3 CD Living Stage, enregistrement live (1973)

 

Créée le 10 juin 1865 à Munich, Tristan et Isolde reste à jamais  l’un des  chefs-d’œuvre absolus de l’art lyrique. Wagner transforme une simple histoire d’amour en drame irradiant chair et sang, en signant comme à son habitude musique et livret. Il fait partie des rares opéras dont le premier mot suffit à lui seul à l’identifier, au même titre que « Pelléas » « Les Noces » « Cosi » « Lucia ». C’est surtout un des opéras où Wagner ne met plus sur un même pied d’égalité texte et musique pour favoriser la musique…

Et pour servir un tel chef-d’œuvre le nom de Carlos Kleiber s’impose d’emblée, dans un ouvrage qu’il connaît par cœur et qu’il aura tant dirigé.

Carlos Kleiber n’a jamais eu besoin ni de yacht privé pour briller, ni de se disperser en accumulant des enregistrements allant de Bach à Stravinsky pour le seul plaisir de faire du chiffre. Refusant les interviews, ses enregistrements sont rares, souvent live, et c’est très bien ainsi car ce sont tous des joyaux parmi lesquels se détachent des moments encore plus miraculeux . Se cantonnant à un répertoire restreint, Kleiber est la Musique, servant mieux que quiconque Richard Wagner, Richard Strauss ou Brahms, acharné de la perfection, en multipliant le nombre de répétitions.

Ce 22 mars 1973 est une des nombreuses pierres blanches dans son jardin. Ce soir-là, à Stuttgart, est réunie la fine fleur du chant wagnérien pour un nouveau Tristan en live. Rien d’étonnant du reste, chanteuses et chanteurs ont toujours afflué de partout pour pouvoir chanter sous sa direction.

Née en 1937, la suédoise Caterina Ligendza est une des dernières soprano de légende encore en vie. Son nom reste lié à Wagner et à Bayreuth où elle a régulièrement chanté entre 1971 et 1987. Il y a une véritable fusion dans ce rôle d’Isolde entre elle et Kleiber qu’elle retrouvera à Bayreuth entre 1974 et 1976. Elle reste une des plus grandes Isolde de tous les temps. Sans rien enlever à son talent, on ne peut que regretter que ce soit Margaret Price qui lui sera préférée pour la future version studio de cet opéra dirigé par Kleiber.

Né en France, Wolfgang Windgassen, aura chanté pratiquement tout Wagner, à Bayreuth et à travers le monde ; incontournable Siegfried des Ring de Keilberth et Knappertsbusch.  Il excelle ici dans Tristan grâce à sa diction et son phrasé impeccable ; réputé pour son jeu d’acteur, on peut le voir dans ce rôle grâce à une captation vidéo à Osaka en 1967 aux côtés de Birgitt Nilsson sous la direction de Boulez. Wingdassen “est” à lui seul Bayreuth, qui, d’après Wieland Wagner, pourrait fermer s’il n’existait pas !

Kurwenal est chanté à merveille par le baryton Gustav Neidlinger dans un de ses rôles de prédilection avec Klingsor mais surtout Alberich, le Rôle qui l’habita toute une décennie dans le Neues Bayreuth.

Grace Hoffman est Brangaene, un  personnage qu’elle connaît bien et dont elle maîtrise toutes les subtilités dans ; dès 1957 elle tint ce rôle auprès de la grande Birgit Nilsson.

Grand wagnérien lui aussi, Gottlob Frick, apporte toute sa noblesse dans le rôle du roi Marke. Il fit déjà sensation dans le premier Ring stéréo, grâce à Solti, campant tour à tour un Hunding et un Hagen qui resteront dans la légende.

Les autres rôles sont tout aussi honorables.

Le troisième acte est une pure merveille et justifierait à lui seul l’acquisition de cet enregistrement. Nous sommes ici dans l’incarnation mystique de la passion pure. Entendre Ligendza à la toute fin de l’opéra, prononcer ces  derniers mots « Höchste Lust – pure joie » fait à chaque fois monter les larmes aux yeux.  

Alors, entre terre et ciel, la musique s’évanouit en s’élevant une dernière fois et on ne peut une fois encore qu’être subjugué par tant de grâce et de beauté. Kleiber reste à jamais un des plus grands chefs de l’histoire.

Un plateau de légende donc, pour un disque  indispensable (qui s’adresse malgré tout surtout aux wagnériens convaincus vu la captation hasardeuse…), qui figurera en bonne place à côté de tous les  autres Tristan de Kleiber et Ligendza.

https://www.youtube.com/watch?v=ScWJE8E3QoE

Mild und leise par Catarina Ligendza et Carlos Kleiber, Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks, 1975