Itinéraire d’une étoile filante – Ariel Daunizeau (CD Malibran)

Les artistes

Ariel Daunizeau, soprano
Orchestres dirigés par Pierre Dervaux, Jean-Claude Hartemann et Robert Benedetti.
Monique Paubon, Jeanine Reiss, piano

Le programme

Extraits d’opéras : Thaïs, Madame Butterfly, Les Noces de Figaro, La Chauve-Souris, La Vie de bohème, Mireille, Hérodiade
Mélodies : L’Invitation au voyage, Extase, lamento, Chanson triste, Ave Maria.

1 CD Malibran (enregistrements : 1965-1970)

C’était au temps où la télévision française s’intéressait assez à l’art lyrique pour réaliser ses propres films d’opéra, ou pour proposer des émissions qui faisaient le bonheur de nos arrière-grand-mères, dont l’ORTF confiait la présentation au compositeur Pierre Petit, par exemple. C’était au temps où l’Opéra de Paris avait sa propre troupe, réunissant majoritairement des artistes français et capables de tenir les grands rôles du répertoire. C’est à ce temps bien révolu que renvoie le nouveau disque du label Malibran, consacré à la soprano Ariel Daunizeau (1930-1994), dont la carrière fut trop tôt interrompue par une maladie qui l’obligea à se consacrer à l’enseignement. Engagée en 1965 par la première scène nationale, elle s’illustra surtout dans ce qui était alors encore le répertoire de l’Opéra-Comique : Thaïs, Bohème, Les Contes d’Hoffmann… Une plastique avantageuse lui avait permis de gagner d’abord sa vie en tant que mannequin, et il est certain que son physique fut un atout pour les opéras télévisés, tournés en studio, dont nous parlions plus haut. Mais ce que révèle le disque Malibran, c’est qu’Ariel Daunizeau avait aussi une voix tout à fait à la hauteur des exigences des grands rôles qui lui furent alors confiés en France et en Europe.

La plupart des extraits que l’on entend dans ce programme viennent de la télévision, sans laquelle il ne nous resterait sans doute aucun témoignage de l’art d’Ariel Daunizeau. Cela signifie hélas qu’il faut s’accommoder d’orchestres de seconde zone – mais aux couleurs typiquement françaises, dans les vents notamment – dirigés d’une baguette éléphantesque – c’est particulièrement sensible pour le premier air de la comtesse des Noces de Figaro, pour le duo de l’Oasis de Thaïs (Pierre Dervaux, pourtant…). Il faut aussi tolérer des partenaires médiocres : Jacques Mars est un Athanaël pataud, sans flamme, et Bernard Muracciole est un Jean poids-plume dans Hérodiade. Le mélomane d’aujourd’hui sera sans doute dépaysé par ces versions françaises systématiques, où brille la déclamation impeccable d’Ariel Daunizeau. Car c’était aussi le temps où l’on savait dire autant que chanter, avec une majesté du phrasé qui déconcerte un peu pour les « petites femmes » de Puccini, mais qui fait absolument merveille dans notre répertoire national.

Mireille convaincante, superbe Thaïs et belle Salomé, parfaitement à l’aise dans l’opérette, comme en témoigne la Czardas de La Chauve-Souris, Ariel Daunizeau montre aussi qu’elle était capable de servir admirablement l’univers de la mélodie. Le disque se termine sur un bouquet d’œuvres de Duparc dans lesquelles on est heureux d’entendre une grande voix d’opéra qui sait aussi alléger son émission dès qu’il le faut. Un conseil d’ami : si vous vous êtes laissé envoûter par la belle interprétation de la « Chanson triste », évitez la plage suivante, la dernière du disque. Cet « Ave Maria » de Gounod accompagné par un orgue Hammond, avec ses dernières notes dignes de Charly Oleg dans Tournez, manèges, dépare un programme qui laisse rêveur quant à la haute tenue de l’école de chant français à l’époque où la troupe de l’Opéra fut supprimée.

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