CD – La Captive du Sérail – Turqueries galantes : la Grande Odalisque !

Les artistes

Florie Valiquette, soprano
Nicholas Scott, ténor

Orchestre de l’Opéra Royal, dir. Gaétan Jarry

Le programme

La Captive du Sérail – Turqueries galantes.

Extraits d’œuvres de Grétry, Philidor, Monsigny, Gluck, Gibert, Mozart.

1 CD Château de Versailles Spectacles (11 mars 2022). Enregistré du 20 au 23 décembre 2020 à la Salle des Croisades du château de Versailles.

Si l’on se fiait à l’iconographie – superbement reproduite, au demeurant – du livret d’accompagnement de La Captive du Sérail, on pourrait s’attendre à un disque évoquant l’orientalisme musical du XIXe siècle, dans la mesure où les œuvres en question sont en majorité des peintures de Gérôme, dûment rejointes par Ingres et Delacroix. C’est pourtant d’opéras du XVIIIe siècle qu’il s’agit ici, et majoritairement d’opéras-comiques (en) français : Grétry en est le fil conducteur, accompagné de ses contemporains Philidor, Monsigny et Gluck, sans oublier un certain Paul-César Gibert, auteur de Soliman II ou les Trois Sultanes (1761), ici représenté par une brève mais exquise ariette. La plupart des pages ici réunies relèvent de la « turquerie galante » francophone de la deuxième moitié du siècle, entre 1761 et 1788. Mais ce n’est pas tout : il a également paru bon d’inclure dans le programme deux extraits de L’Enlèvement au sérail, interprétés en français afin de préserver une certaine unité linguistique, suppose-t-on. Voilà au moins qui prouvera que Grétry n’a pas à rougir du rapprochement avec Mozart, la musique du Liégeois faisant preuve d’une inventivité et d’une élégance comparables à celle du Salzbourgeois.

La sultane qui règne sur les différents harems ici rassemblés, c’est Florie Valiquette, remarquée à l’Opéra Comique en 2019 dans Le Postillon de Lonjumeau, et qui aurait dû être en 2021 Zélime dans La Caravane du Caire à l’Opéra de Tours, prise de rôle en prévision de laquelle le disque à présent publié par Château de Versailles Spectacles fut sans doute enregistré (le spectacle annulé sera finalement donné en avril 2022, mais sans la soprano canadienne). Le programme du disque est taillé sur mesure pour Florie Valiquette, car son français est précis et sa virtuosité sans failles ; on pourra trouver que Konstanze est encore un peu prématurée pour une voix qu’on entendrait mieux dans Blonde pour le moment (et pourquoi, tant qu’à l’enregistrer en français, être allé chercher un ténor anglophone pour lui donner la réplique en Belmonte ? La pointe d’accent britannique de Nicholas Scott est un peu moins sensible lorsqu’on retrouve le ténor dans un duo de Gluck). Quelques airs plus développés témoignent d’une certaine ambition dépassant la brièveté des ariettes d’opéra-comique : le célèbre « Air de la Fauvette » de Zémire et Azor, jadis cher aux coloratures, de Lily Pons à Mady Mesplé ; « Oh Ciel, se pourrait-il », tiré de Le Belle Esclave de Philidor ; « Ah, qu’il est doux de se revoir » dans Les Pèlerins de la Mecque) ; ou « Nous sommes nées pour l’esclavage », chanté par la captive française dans La Caravane du Caire.

L’Orchestre de l’Opéra royal, dirigé par Gaétan Jarry, s’est réservé un certain nombre de plages exclusivement instrumentales, danses et ouvertures, soit un bon quart d’heure de musique sur les soixante-deux minutes que dure le disque. L’oreille y est très agréablement rafraîchie par les sonorités orientales auxquelles s’essayèrent les différents compositeurs, avec un résultat sans doute ici bien différent de ce qu’on entendra à Tours le mois prochain, où la partition de Grétry sera défendue par un orchestre moderne.