CD – Le long du quai : mélodies sur des poèmes de Sully Prudhomme

Les artistes

Marie-Pierre Roy, soprano
Justine Eckhaut, piano

Le programme

Le long du quai – mélodies sur des poèmes de Sully Prudhomme

Mélodies de Gabriel Fauré, Théodore Dubois, Matthieu Roy, Reynaldo Hahn, Henri Duparc, Charles-Marie Widor, Louis Vierne, George Enescu, César Franck.

1 CD Prospero (2021)

« Mélodies sur des poèmes de … » : si le concept n’est pas nouveau (Felicity Lott a jadis gravé deux célèbres albums conçus selon ce principe : Mélodies sur des poèmes de Victor Hugo et Mélodies sur des poèmes de Charles Baudelaire), c’est, à notre connaissance, la première fois qu’un album de mélodies est consacré à Sully Prudhomme, chantre de la perfection formelle – et sans doute le plus célèbre représentant du Parnasse avec Leconte de Lisle et José-Maria de Heredia.

Peut-on dire pour autant que la cohérence de l’album soit assurée moins par la musique que par la poésie ? Ce n’est peut-être pas si sûr… Certes, les compositeurs ici sollicités couvrent une large période de l’histoire de la musique : le plus ancien est César Franck, né en 1822, le plus jeune est Matthieu Roy, musicien contemporain ayant composé cinq mélodies spécialement à l’occasion de cet enregistrement. Tous cependant sont français, de naissance ou d’adoption, et l’on retrouve souvent chez chacun d’entre eux, jusqu’à leur dernier représentant Matthieu Roy, une clarté du discours musical et un lyrisme mesuré qui confèrent à l’ensemble, au-delà des singularités propres à chaque musicien, une certaine homogénéité de ton. Une homogénéité qui n’exclut nullement la variété, au demeurant assurée par le choix de poèmes aux tonalités assez diverses, de l’épanchement douloureux de « Ce qui dure » au lyrisme discret d’ « Au bord de l’eau », ou à la mélancolie secrète de « La Voie lactée »…

Sachons gré avant tout aux artistes de proposer à notre attention des mélodies fort peu connues : à côté de pièces incontournables signés Duparc, Fauré ou Hahn, on a plaisir à découvrir ou redécouvrir certaines pages rares – ou très rares –, composées par Théodore Dubois, Charles-Marie Widor ou encore Louis Vierne. Et la confrontation de différentes versions musicales d’un même poème (« Au bord de l’eau » par Fauré et Dubois, « Le galop » par Vierne et Enescu, « La voie lactée » par Dubois et Roy) s’avère comme toujours passionnante.

La pianiste Justine Eckhaut excelle à faire surgir du piano, en l’espace des quelques minutes dévolues à chaque mélodie, les univers les plus divers (la nonchalance bienheureuse d’ « Au bord de l’au » de Fauré, la véhémence virtuose et haletante du « Galop » de Louis Vierne, le silence et le vide de « Silence et nuit des bois » de  Roy). La soprano Marie-Pierre Roy fait, quant à elle, entendre un timbre clair – qui pourrait parfois être un peu plus rond dans l’aigu –, et vient à bout des aigus périlleux des « Stalactites »  ou des lignes vocales tendues que lui a concoctées son compositeur de frère dans « La voie lactée ». Elle se montre selon nous plus à son aise dans les registres de l’élégie ou de la légèreté (comme dans ce bijou de délicatesse qu’est la « Naïs » de Reynaldo Hahn, ou dans la légèreté enjouée d’ « Enfantillages » de Théodore Dubois) que dans celui de la véhémence, mais s’efforce quoi qu’il en soit toujours de préserver la clarté de la diction, qualité indispensable à l’interprétation de ces pièces qui sont poésie autant que musique.

Ajoutons pour conclure que ce CD, qui séduira les amateurs de poésie, de mélodies… et de raretés,  a fait l’objet d’un soin tout particulier dans sa conception (reproduction des poèmes, photographies, textes introductifs,…).