CD – Marianna Martines, une passionnante redécouverte !

Son nom trahit une ascendance espagnole. Mais c’est à Vienne que Marianna Martines – ou Marianne von Martinez (1744-1812) – vivait. Chanteuse, pianiste, mais surtout compositrice, elle recevait chaque jeudi dans ses salons de musique. Un certain Mozart, son cadet de douze ans, venait souvent l’écouter, jouer avec elle au pianoforte à quatre mains. Est-ce lui qui l’influença ou bien elle qui lui souffla quelque inspiration ? Car les œuvres de Martines que l’on découvre grâce à cet enregistrement sont le reflet d’un temps. Celui des grandes œuvres religieuses baroques comme des symphonies Sturm und Drang. Celui de son propre travail d’apprentissage auprès de Porpora, Hasse ou de Joseph Haydn.        

Pourtant, que connait-on d’elle et de ses 250 partitions ? Sa redécouverte est longue à advenir. Il y a déjà quelques années que l’Ensemble La Floridiana de la claveciniste  Nicoletta Paraschivescu avait consacré deux CD Deutsche Harmonia Mundi à Marianna Martines. Magnifiques cantates et airs que Nuria Rial et Anna Bonitatibus nous faisaient découvrir, avec deux sonates et deux de ses douze concertos pour clavecin.

Cette fois, c’est l’éditeur CPO, toujours bien inspiré dans ses choix de redécouvertes de répertoires oubliés, qui a confié à l’ensemble Salzburger Hofmusik de Wolfgang Brunner le soin d’un autre pan de sa production : deux psaumes et une symphonie d’une compositrice dont le beau et pensif portrait orne la couverture du livret.

En ouverture de ce programme, on est saisi par la grande énergie de l’introduction du Dixit Dominus, coruscante, avec trompettes et timbales. Puis, en contraste, c’est une touchante intimité qui s’installe dans les dialogues entre voix, flûte, clavecin et viole dans les numéros suivants.

Les chœurs des deux partitions vocales, souvent fugués, ne sont pas les moments les plus originaux de la compositrice. Pour cela, il faut se tourner vers tant d’autres passages. Ainsi, le Psaume 151 « Come le limpide onde » s’ouvre par une douceur entêtante, qui nous berce. Lui succède un air d’un dramatisme tout à fait surprenant, faisant dialoguer la soprano Aleksandra Zamojska avec le chœur. Puis le ténor Virgil Hartinger enroule sa voix autour des sons diaphanes du psalterion d’Heidelore Schauer. Avec l’autre air pour psalterion et soprano, ce sont les numéros les plus originaux et intéressants de cet enregistrement, sans oublier la très joyeuse et réussie symphonie en ut majeur. Œuvre viennoise s’il en est, elle semble imprégnée de cet air du temps des symphonies de Mannheim et des surprises musicales inventées par un Jean-Chrétien Bach. Le mouvement lent est pur poésie, regardant vers l’atmosphère intime, nocturne, de quelque symphonie de Haydn ou de Mozart. Par son sens des couleurs et son énergie, l’interprétation de Salzburger Hofmusik l’emporte haut la main sur celle que nous avait proposé La Floridiana il y a dix ans.

Le véritable regret à l’écoute de ce disque vient de la prise de son, qui ne rend pas justice à un orchestre parfois bien aigrelet, ni au fruité des instruments, le psaltérion étant ainsi trop terne et en retrait. De même, on aurait aimé un chœur plus homogène et une distribution plus brillante, ici une mezzo au timbre plus moelleux, là une soprano aux aigus moins acides et des chanteurs parfois plus sûrs d’eux-mêmes. Manque de répétitions, particulièrement pour le Dixit Dominus, enregistré en février 2020, soit cinq années après les deux autres partitions ?

Il reste que la découverte vaut plus que le détour.

Les artistes

Salzburger Hofmusik de Wolfgang Brunner

Aleksandra Zamojska, soprano
Virgil Hartinger, ténor
Eva Schossleitner, mezzo-soprano

Le programme

Marianna Martines

Psaume 110 « Dixit Dominus » , Symphonie en ut majeur, Psaume 151 « Come le limpide onde » 1 1 CD CPO n° 777 985-2 (26 avril 2021)