Ils étaient sept, les six !

Les artistes

Franziska Heinzen   soprano
Benjamin Mead   piano

Le programme

LES SIX

Georges Auric
Prélude
Trois poèmes de Léon-Paul Fargue

Louis Durey
Romance sans paroles, op. 21
Vergers, op. 42

Arthur Honegger
Sarabande, H 26
Petit Cours de morale, H 148

Erik Satie
Premier Menuet
Quatre Mélodies

Darius Milhaud
Mazurka
Trois Chansons de Jean Cocteau

Francis Poulenc
Valse en do
Miroirs brûlants

Germaine Tailleferre
Pastorale
Six Chansons françaises

1 C Sola Musica, 49’44

Comme l’a rappelé à l’automne dernier l’ouvrage de notre excellent collègue Pierre Brévignon, l’année 2020 a marqué le centenaire de la fondation du Groupe des Six. En dehors de ce livre paru chez Actes Sud, rares ont été les commémorations de cet anniversaire, mais on mettra charitablement cela sur le compte de la pandémie l’absence des Mariés de la Tour Eiffel au programme des salles de concert, ou de tout nouvel enregistrement de L’Album des Six dans les bacs des disquaires.

On se réjouit donc que, hors de nos frontières, des artistes aient eu la bonne idée de s’intéresser aux œuvres du très éphémère groupe qui eut pour parrain littéraire Jean Cocteau et pour parrain musical Erik Satie. Les six ne parvinrent presque jamais à réunir leur demi-douzaine, ou ils dépassèrent bien souvent le chiffre qu’ils s’étaient fixés, et ce disque intitulé Les Six ne fait pas exception à la règle, puis que le maître d’Arcueil y figure aux côtés de ses jeunes « disciples ».

Il s’agit avant tout d’un disque de mélodies, mais comme la soprano a un accompagnateur, celui-ci a droit pour chacun des Six (et pour le septième) à une page pour piano seul. Ces pièces qu’interprète le pianiste britannique Benjamin Mead datent bien de la période créatrice des Six réunis, soit entre 1914, pour la Mazurka de Milhaud, et 1920 pour la Sarabande d’Honegger, précisément extraite de L’Album des Six susmentionné. Ce sera sans doute pour beaucoup de mélomanes l’occasion de découvrir ceux du groupe que l’on entend moins ; si Germaine Tailleferre bénéficie de la vague d’intérêt qui porte actuellement les compositrices, Louis Durey reste injustement oublié.

Quant à la soprano suisse Franziska Heinzen, son bilinguisme lui permet de restituer toute l’ironie de ces mélodies qui sont, elles, pour la plupart bien postérieures à l’éclatement du groupe. Si les Trois Chansons de Jean Cocteau de Milhaud datent de 1920 (comme les Quatre Mélodies de Satie qui font se rencontrer une gauloiserie anonyme du XVIIIe siècle, l’Elégie de Lamartine et de délicieuses absurdités de Cocteau et Radiguet), les autres recueils proposés vont de 1929 à 1941, mais révèlent de bien belles raretés comme le Petit Cours de morale d’Honegger sur des poèmes de Giraudoux ou Vergers de Durey sur des textes de Rilke. Et l’on est bien aise de pouvoir entendre l’intégralité des Six Chansons françaises de Tailleferre, dont certaines figuraient sur le récent disque Voies(x) de Femmes. Même Poulenc, dont les mélodies sont un peu plus souvent chantées – c’est un euphémisme – que celles d’Auric, par exemple, est ici honoré à travers une œuvre qui ne court pas vraiment les rues, l’excellent diptyque Miroirs brûlants.

Autrement dit, si la France a un peu négligé ses Six, la Suisse, dont l’un d’eux était originaire, ne les aura pas oubliés en cette année de centenaire.