Le Singe et l’épouvantail : La Fontaine dans l’esprit, pas dans la lettre

Les artistes

 Arnaud Marzorati   récitant
Les Lunaisiens et la Maîtrise de la Cathédrale de Metz

Le programme

Le Singe et l’épouvantail, d’après les Fables de La Fontaine, écrit par Pierre Senges, illustré par Albertine.

Un livre-disque La Joie de Lire

Jean de La Fontaine est né il y a quatre siècles, et on peut donc s’attendre cette année à quelques publications en rapport avec cet anniversaire. L’éditeur La Joie de Lire ouvre le bal avec un livre-disque à destination du jeune public, où le plaisir de la musique se mêle à celui du récit, mais qui suscite néanmoins quelques interrogations.

Le conte ici proposé a été écrit par Pierre Senges, à qui l’on doit notamment quelques livrets d’opéra, pour Francesco Filidei ou Alexandros Markeas, entre autres. Le titre Le Singe et l’épouvantail s’inspire évidemment de ceux des fables de La Fontaine, mais le déroulement de l’histoire évoque plutôt Perrault, avec le parcours initiatique d’un singe-narrateur qui est successivement cuisinier, marquis et conseiller d’une duchesse, avant son retour final en cuisine. Dans ce récit s’enchâssent plusieurs fables mises en musique, tirées du Recueil de fables choisies, dans le goût de M. de La Fontaine, sur de petits airs & vaudevilles connus, notés à la fin pour en faciliter le chant, publié en 1746. Première remarque : « dans le goût de » signifie qu’on ne chante pas ici La Fontaine, mais d’autres poèmes reprenant le sujet de ses fables (les vrais textes de La Fontaine se trouvent en fin de volume). L’hommage est donc un peu indirect. Deuxième remarque : même si la Maîtrise de la Cathédrale de Metz chante fort agréablement, et même si les instrumentistes de l’ensemble Les Lunaisiens déploient beaucoup d’inventivité pour redonner vie à ces compositions, il n’est pas du tout certain que les jeunes oreilles auquel ce livre semble destiné comprennent aisément les paroles de ces « petits airs » qui, elles, ne figurent nulle part dans le volume.

Par ailleurs, soixante-quinze minutes de récit entrecoupé de musique, n’est-ce pas un peu long pour de jeunes esprits ? Arnaud Marzorati tient fort bien son rôle de récitant, avec une sobriété louable, mais il faut préciser que le texte qu’il déclame ne correspond pas mot pour mot à celui qui est imprimé dans le livre, d’où des difficultés à prévoir : les parents qui voudront lire cette histoire à leur progéniture risquent de se heurter à des remarques opposant le « vrai récit » du disque à celui du livre… Il faut donc espérer que les illustrations amusantes et colorées, signées Albertine, permettront aux têtes blondes de passer outre, et que la magie de la harpe triple, de la vielle à roue et de la cornemuse opèrera suffisamment pour que cet hommage à La Fontaine convainque une nouvelle génération.