Spring Night. Russian Songs by Tchaikovsky and Rachmaninov – Les récits de Belkina

Les artistes

Lena Belkina, mezzo-soprano
Natalia Sidorenko, piano

Le programme

Spring Night. Russian Songs by Tchaikovsky and Rachmaninov

PIOTR I. TCHAIKOVSKY
1 To bylo ranneyu vesnoy, Op. 38 No.2 It was in early spring 
2 Net, tol‘ko tot, kto znal, Op. 6 No. 6 Only he who knows longing 
3 Zabyt‘ tak skoro To forget so soon 
4 Kolybel‘naya pesnya, Op. 16 No. 1 Lullaby 
5 Skazhi, o chom v teni vetvey, Op. 57 No. 1 Tell me what is in the shade of the branches 
6 Noch‘, Op. 60 No. 9 Night 
7 Kolybel‘naya pesn‘ v buryu, Op. 54 No. 10 Lullaby in a Storm 
8 Serenada, Op. 63 No. 6 Serenade 
9 Snova, kak prezhde, odin, Op. 73 No. 6 I am alone again, as before 
10 Rastvoril ya okno, Op. 63 No. 2 I opened the window 

SERGEI V. RACHMANINOV
11 Siren‘, Op. 21 No. 5 Lilacs 
12 Utro, Op. 4 No. 2 Morning 
13 Ditya kak zvetok ty prekrasna, Op 8 No. 2 Child,you are beautiful as a flower 
14 Duma, Op. 8 No. 3 Brooding
15 Polyubila ya na pechal‘ svoyu, Op. 8 No. 4 I have grown fond of sorrow 
16 Son, Op. 8 No. 5 A Dream 
17 Ya zhdu tebya, Op. 14 No. 1 I Wait for Thee 
18 Ona kak polden‘ khorosha, Op. 14 No. 3 She is as beautiful as midday 
19 Noch pechal’na, Op. 26 No. 12 The night is sad 
20 Vesenniye vodi, Op. 14 No. 11 Spring Waters 

Actuellement Smeton dans Anna Bolena au Grand Théâtre de Genève, la mezzo-soprano Lena Belkina est aussi dans les bacs des disquaires avec un récital de mélodies russes qui, tout en étant consacré à deux compositeurs célébrissimes, réussit à sortir des sentiers battus.

Originaire d’Ukraina, la mezzo Lena Belkina fait surtout carrière en Allemagne et ne s’est pas souvent produite en France, mais ceux qui l’ont vue à Limoges dans Eugène Onéguine gardent le souvenir d’une interprète qui n’hésite pas à payer de sa personne (dans la production de Marie-Eve Signeyrole, Olga devenait une joyeuse nymphomane ne cachant pas grand-chose de ses charmes). Ceux qui ne craignent pas de franchir nos frontières ont pu l’applaudir à plusieurs reprises au Grand Théâtre de Genève : après une Rosine du Barbier en 2017, elle vient d’y incarner Sonia dans Guerre et paix monté par Calixto Bieito, et réussit fort bien à se faire actuellement remarquer en Smeton dans Anna Bolena mise en scène par Mariame Clément (un compte-rendu à lire ici). C’est dans son arbre généalogique qu’elle a choisi de chanter pour son nouveau disque, où l’on peut constater que la voix a bien évolué depuis un programme Mozart-Haydn-Gluck qu’elle avait enregistré en 2015 pour Sony.

Tchaïkovski et Rachmaninov sont sans doute les plus fréquentés parmi les compositeurs russes ayant écrit des mélodies. Récemment, les Six Poèmes pour voix et piano, opus 38 du second, ont eu la faveur de plusieurs chanteuses, Elsa Dreisig et Louise Alder les ayant retenus pour leurs disques respectifs. Par chance pour le mélomane curieux, Lena Belkina a su pousser la curiosité plus loin : de Rachmaninov, elle inclut trois pages connues, « Lilas », « Je t’attends », et le magnifique « Eaux printanières » avec ses ruissellements chromatiques en conclusion de programme, mais les sept autres sont bien moins fréquentées ; de Tchaïkovski, seules les deux premières appartiennent au répertoire habituel des chanteuses slaves. Autrement dit, sur vingt plages que compte le disque, il y a largement de quoi faire de belles découvertes.

Sans être original, le thème de la nuit de printemps ne nuit donc pas à l’exploration, le lien entre les deux compositeurs se faisant tout naturellement puisque la dernière des dix mélodies de Tchaïkovski inclut un éloge des lilas, fleurs avec lesquelles s’ouvre le bouquet de dix mélodies de Rachmaninov. Soutenue par Natalia Sidorenko, à qui Rachmaninov surtout confie un rôle essentiel, Lena Belkina sait envoûter l’auditeur dans ces pages qu’on s’en voudrait de réduire au côté nostalgique ou tourmenté qui est loin d’être la seule source d’inspiration des compositeurs russes. On admire les couleurs de la voix, mais aussi la manière d’interpréter ces textes (parmi les poètes slaves figurent néanmoins, en traduction, Goethe et Heinrich Heine), un art de la narration qui évoque l’homonyme fictif de la mezzo-soprano, cet Ivan Petrovitch Belkine que Pouchkine présentait en 1831 comme un grand amateur d’histoires, dans ses cinq nouvelles recueillies sous le titre de… Récits de Belkine.

1 CD SoloMusica SM 381. Enregistré en Autriche en septembre et décembre 2020. Durée 60’24