Le Titanic à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg ?

Coup de pistolet au milieu d’un concert déjà (très) inquiet ?

La crise est ouverte à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Elle couvait, les restrictions budgétaires ayant déjà plombé les programmations depuis deux années. Désormais, c’est au grand jour et dans l’inquiétude que les bouches se délient.

Un article de Philippe Olivier, paru le 30 décembre[1] avertissait, parlant de problèmes graves, qui, à terme, mettraient l’existence d’un des plus beaux orchestres de région en péril. On y apprend que les subventions sont en baisse et même que la municipalité EELV-NUPES voudrait la peau de « la culture bourgeoise »… Diable. C’est à vérifier. Car ce texte, documenté et partisan à la fois, pointe de multiples menaces qui rodent sur l’institution strasbourgeoise.

Qu’a donc fait l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg pour connaitre de si difficiles moments ? Car cet orchestre n’est pas n’importe lequel. Il a une longue tradition depuis sa naissance en 1855. Gustav Mahler ou Richard Strauss sont venus y donner des concerts. Des chefs d’envergure furent ses directeurs dirigé, d’Otto Klemperer à Georges Szell d’Ernest Bour à Theodor Guschlbauer. Dans les années 1970, Alain Lombard l’emmenait dans les studios d’enregistrement et plus près de nous, John Nelson dans des aventures berlioziennes prestigieuses[2].

Mais voilà, nous le savons toutes et tous : en ces temps d’austérité infinie et d’inflation galopante, l’équilibre financier est précaire. De plus en plus. Que ce soit pour les particuliers, les entreprises ou bien sûr le monde culturel dans sa diversité. Or c’est la ville de Strasbourg qui administre l’orchestre. Et il manquerait en cumulé un million d’euros dans le budget… Cette saison, ce sont 2,5% de subventions en moins (soit 325.000€), des départs en retraite non renouvelés, la fin des concerts doublés comme des défraiements pour les personnels extérieurs. On le voit, tous les secteurs sont touchés, y compris la musique de chambre et l’action culturelle. Cerise sur le gâteau amer, une partie de la tournée 2024 amputée… Il n’est pas inutile de rappeler que l’Orchestre joue souvent hors les murs, avec de grands solistes et chanteurs, de la Philharmonie de Paris au Musikverein de Vienne, de l’Elb Philharmonie de Hambourg à la Corée du Sud.

Or l’OPS est labellisé Orchestre national depuis 1994. La Ministre de la Culture est donc logiquement interpellée par cette situation intenable. Rima Abdul Malak n’a-t-elle pas promis de « mieux produire, mieux diffuser » tout en proposant des crédits supplémentaires « afin de mieux irriguer la culture sur tous les territoires ». Simple effet d’annonce, comme le pouvoir en est coutumier ?…

Il serait faux d’oublier que ce problème n’est pas celui de la seule ville strasbourgeoise. Les baisses drastiques de subventions – voire les coupures totales comme celles pratiquées par Laurent Wauquiez – ont parfois des ordres de grandeur bien plus importants. Ce qui – bien sûr – ne diminue en rien les problèmes de l’OPS, mais confirme que le problème strasbourgeois est la pointe émergée de l’iceberg musical. Les organisations syndicales des musiciens ne s’y trompent pas : « plus généralement, ce sont tous les orchestres nationaux en France qui sont affectés par une baisse de leurs moyens ».

Il est grand temps de donner réellement la priorité à la culture dans un pays où les trois quart du budget du ministère de la Culture sont dévolus à la région parisienne.

Il est grand temps d’en finir avec les politiques d’austérité mortifère.

Il est grand temps de taxer réellement les super-profits qui ne cessent d’exploser et de s’en prendre aux évadés fiscaux : 80% des entreprises de Bernard Arnaud échappent à l’administration fiscale française – mais le patron vient d’être promu grand’croix, la plus haute dignité de la Légion d’honneur.

Et pendant ce temps, le Titanic s’enfonce…

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[1] https://resonances-lyriques.org/touche-pas-a-mon-orchestre/?fbclid=IwAR39q6KMxnNzDJXSnvBzbaWg8HyY_na8yHKkDDGCcmDz80yjqahnF-mIb88

[2] Les Troyens en 2017 (primé aux Victoires de la musique classique 2019) ou La damnation de Faust en 2020 – entre autres – en témoignent (tous parus chez Erato).