Heptaméron IV

Une escapade montagnarde avec Vincent d’Indy

Vous connaissez ma tendresse pour les ânes, que ce soit les ânes des Pyrénées, les baudets du Poitou, ou même ces mulets sur lesquels on juchait autrefois les grosses dames hollandaises qui ambitionnaient, pobrecitas, de monter en jupe étroite au Cirque de Gavarnie, les beaux jours de la contrebande avec le voisin aragonais ou navarrais s’étant enfuis. Grison chargé de sel ou Musicien de Brème, Aliboron ou Cadichon, Âne Culotte ou Platero de Juan Ramòn Jiménez, Mule du Pape ou Âne d’Or, vous m’avez charmé, fait rire, trembler ou pleurer.  J’allais oublier Peau d’âne et son tuto chanté d’une recette hélas immangeable !
Oh, j’entends déjà vos ricanements, — devrais-je dire vos braiements ? — et vous consultez frénétiquement les pages roses du défunt Larousse pour retrouver, ô cervelles indociles, la citation latine qui finira par m’achever. 

Peu m’importe. Dans le bestiaire de la Bible, de la littérature, de la peinture ou de la sculpture nous occupons beaucoup de place, de même qu’en musique, même si ce n’est que pour la Fête des Fous ; ou pour ce concert rustique que demande mon ami Bottom transmogrifié à la Reine des Fées. Oui, je sais, on dit de nous le meilleur et le pire, mais nous n’avons pas tous le mauvais caractère de la Modestine qui causa quelques soucis à Robert Louis Stevenson au début de son périple à travers les Cévennes en 1878.

Là, je vous vois frémir. Coincés entre votre piano droit et votre canapé, le nom de l’éternel voyageur qui inspire les Songs of Travel de mon ami Vaughan Williams et le mot Cévennes vous ouvrent des fenêtres magiques sur des horizons sans limites et vous donnent des fourmis dans les jambes. Pour accompagner votre randonnée virtuelle, je vous propose cette belle Symphonie Cévenole de notre Vincent d’Indy, fort oublié des organisateurs de concert. J’ai dû courir à Tanglewood, résidence d’été du Boston Symphony Orchestra, pour l’entendre jouée par Jean-Yves Thibaudet en 1990, avec d’autres desdichados français. Est-ce son titre officiel Symphonie sur un chant montagnard français qui me l’a fait associer très tôt avec mes jeunes années courues dans la montagne et les Pyrénées du Pont d’Espagne ? Le couplage de cette œuvre avec le Jour d’été à la montagne, op. 61 du même d’Indy dans la version qu’en donnait Catherine Collard avec Marek Janowski en 1992, me semblait parfaitement pertinent. Son absence de programme, au contraire de la colossale Alpensinfonie du Strauss bavarois qui, véritable Baedeker de l’alpiniste, comporte 22 rubriques, laisse place à l’imagination et au replay nostalgique des émotions d’une course en montagne. Aussi je me garderai bien de vous imposer les images de mon cinémascope intime et vous laisse au plaisir, croce e delizia al cor, de la remontée de souvenirs.

Pour les ceusses qui veulent absolument des images, je vous propose la version de Robert Casadesus, Eugene Ormandy et l’orchestre de Philadelphie, même si le piano semble parfois bien métallique et le visuel parfois étouffant.

On pourrait faire le même reproche au piano de Nicole Henriot-Schweitzer dans la version de 1958 du « beau Munch », comme disaient les dames Strasbourgeoises, à la tête de son Boston Symphony, mais je préfère le phrasé de son cor anglais.

Et enfin pour les accros de la montagne, la version de Catherine Collard :

Enjoy !