Drame en 3 actes de Pietro Mascagni, livret de Giovacchino Forzano et Giovanni Targioni-Tozzetti, créé le 2 mai 1921 à Rome (Teatro Costanzi).
Angers-Nantes Opéra, du 02 au 05 octobre 2024.
LES AUTEURS
Le compositeur : Pietro MASCAGNI (1863-1945)
Rien ne prédisposait a priori Pietro Mascagni à la musique : né à Livourne en 1863 dans une famille modeste (son père était boulanger), on l’inscrit au collège afin qu’il devienne avocat. Cependant, ses dons musicaux sont vite repérés par le professeur (un ancien baryton) qui lui enseigne le piano : Mascagni entre finalement à l’Institut musical de Livourne, puis au Conservatoire de Milan, alors dirigé par Ponchielli. Il n’y reste qu’un an, son esprit libre ne pouvant guère s’accommoder de la rigidité du système. Ce temps passé à Milan sera cependant suffisant pour que Mascagni développe son goût de la composition et plus particulièrement de l’opéra (il y compose son premier ouvrage lyrique, Ratcliff, d’après Heine (mais l’œuvre ne sera créée qu’en 1895).
Mascagni occupe ensuite diverses fonctions : chef d’orchestre remplaçant dans un compagnie d’opérette, directeur de la fanfare de Cerignola, puis de l’orchestre philharmonique et enfin du théâtre de cette ville.
C’est l’annonce (lue dans un journal) d’un concours pour un opéra en un acte qui lui apportera la célébrité, avec Cavalleria rusticana (d’après l’une des neuf nouvelles de la Vie des champs de Verga, parue en 1880). Créé triomphalement à Rome en 1890, l’ouvrage s’imposa très vite sur les scènes européennes, et le musicien s’attira l’estime du vieux Verdi. Même si Mascagni composa de nombreux autres ouvrages (L’Amico Fritz, 1891 ; Iris, 1898 ; Le Maschere, 1901 ; Il piccolo Marat, 1921) – dont certains connurent un grand succès –, seul Cavalleria rusticana se maintint durablement au répertoire.
Mascagni s’éteint à Rome en août 1945, dix ans après la création de son dernier opéra : Nerone.
Les librettistes
Giovacchino FORZANO (1884-1970)
Giovacchino Forzano naît à Borgo San Lorenzo le 19 novembre 1883. En tant qu’auteur littéraire, il écrivit des pièces de théâtre et des livrets d’opéras, notamment pour Mascagni (Lodoletta, Il piccolo Marat), Leoncavallo (Edipo re), Wolf-Ferrari (Gli amanti sposi, Sly), Giordano (Il re). Pour Puccini, il rédigea les livrets de Suor Angelica et Gianni Schicchi (1918). Mais Forzano fut aussi metteur en scène et directeur d’opéra (la Scala de Milan), ainsi que réalisateur (Tredici uomini e un cannone en 1939, Ragazza che dorme en 1941). Ses activités multiples lui permirent d’acquérir une belle notoriété, hélas ternie par sa proximité affichée avec Mussolini. Il meurt à Rome le 28 octobre 1970.
Giovanni TARGIONI-TOZZETTI (1863-1934)
Fils du poète et écrivain Ottaviano Targioni Tozzetti (1833-1899), Giovanni Targioni Tozzetti naît à Livourne en 1863.
Il fut maire de cette ville de 1911 à 1915. Giovanni Targioni Tozzetti fut l’ami personnel de Pietro Mascagni. Il est resté célèbre pour avoir rédigé (souvent en collaboration avec un autre auteur) de nombreux livrets, dont celui de Regina Diaz pour Umberto Giordano. Pour Mascagni, il écrivit les livrets de Cavalleria rusticana (1890), I Rantzau (1892), Silvano (1895), Zanetto (1896), Pinotta (1932) et Nerone (1935).
Giovanni Targioni Tozzetti meurt dans sa ville natale le 30 mai 1934.
L'ŒUVRE
La création
Il piccolo Marat est créé au Teatro Costanzi de Rome le 2 mai 1921. Le succès est immense, et vaudra à l’œuvre d’être rapidement créée sur d’autres scènes italiennes (Arènes de Vérone, Fenice, Milan, Turin, Naples, Palerme), européennes (Dresde, Copenhague, Paris) et mondiales (Buenos Aires). Populaire en Italie jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, elle disparaît progressivement des affiches pour ne plus faire que quelques réapparitions sporadiques (Livourne, 1961, 1989, 2021 ; Pise, 1979 ; Wexford, 1992 ; Amsterdam 2020).
Teatro Costanzi (Photo : LPLT)
Hipólito Lázaro (créateur du Petit Marat) en 1917 (Photo : Library of Congress)
Le livret
L'arrière-plan historique et les sources
Le livret du Piccolo Marat a pour arrière-plan un épisode de la Révolution française particulièrement sinistre : en pleine Terreur, Jean-Baptiste Carrier, envoyé à Nantes en septembre 1793 pour mater la révolte vendéenne, décide de démultiplier les exécutions capitales (afin d’enrayer les épidémies et de ne pas avoir à nourrir quelque 10 000 prisonniers) en noyant massivement dans la Loire les condamnés, qui meurent dans ce qu’on appelle alors cyniquement la « baignoire nationale ».
Le livret est une création originale de Forzano, qui s’appuie cependant sur deux ouvrages : Sous la Terreur de Victor Martin (1906) et Les Noyades de Nantes de Georges Lenôtre (1912). Suite à une mésentente entre Mascagni et Forzano, c’est Giovanni Targioni Tozzetti qui rédigera la version finale du livret.
Résumé de l'intrigue
Acte I
À Nantes, en pleine terreur, le Président du Comité de salut public fait régner l’ordre par des moyens à ce point brutaux qu’on lui a attribué le surnom d’ « Ogre » (l’Orco, basse – avatar romanesque du Carrier historique). Du balcon de son palais, l’Orco aperçoit les « marats » (gardiens de la Révolution) maltraiter sa nièce Mariella (soprano), qu’ils soupçonnent de contrebande. Elle est sauvée in fine par l’intervention d’un homme, que la foule surnomme « le petit Marat » (il piccolo Marat, ténor) en raison des louanges qu’il adresse au député montagnard. Cette intervention vaut au jeune homme la reconnaissance de Mariella et de son père, mais ils ignorent que le « petit Marat » a en fait pour but de libérer sa mère, la princesse de Fleury (mezzo-soprano), enfermée dans les prisons nantaises et condamnée à mort. Le jeune prince, pour ce faire, s’est fait enrôler incognito dans la troupe de gardes révolutionnaires appelés les « marats ».
L'entrepôt au temps de Carrier (Les Noyades de Nantes de Georges Lenôtre, 1912)
Le temps presse d’autant plus que l’Orco, voulant vider les prisons, a demandé au charpentier (baryton) de construire une embarcation qui permettra de mener les prisonniers au milieu du fleuve et de les y noyer. Le prince cache à sa mère le sort terrible qui l’attend et lui jure qu’elle sera sauvée.
Les noyades de Nantes. Détail d'une estampe portraiturant Jean-Baptiste Carrier (Graveur : C.F. G. le Vachez ; dessinateur : J. Duplessis-Bertaux ; BnF/ Gallica)
Acte II
Vue de la "Petite Hollande" et du port de Nantes, prise de fenêtres de l'appartement habité par Carrier (Les Noyades de Nantes de Georges Lenôtre, 1912)
Le charpentier, horrifié par la sinistre mission qu’on lui a confiée, demande au petit Marat, jouant auprès de l’Orco le rôle de bras droit zélé et fidèle, de ne plus assister aux exécutions. Le jeune homme accède à sa demande à condition que le charpentier lui fournisse un bateau avant la nuit. Il vole et dissimule certains documents concernant sa mère, puis déclare sa flamme à Mariella et lui révèle ses intentions : il souhaite s’enfuir avec elle et sa mère sur le bateau qu’il a demandé au charpentier. Mariella, horrifiée de toutes les exactions commises au nom de la Révolution, accepte.
Acte III
Mariella et le petit Marat ont fait prisonnier l’Orco. Ligoté, il est contraint de signer un document ordonnant la libération de la princesse de Fleury. Alors que le plan de Mariella et du prince est sur le point de réussir, leur entreprise est interrompue par le surgissement de révolutionnaires annonçant la prise de Toulon par Bonaparte. Mariella parvient à les éloigner, mais l’Orco profite de ce moment de confusion pour se saisir d’un pistolet : il tire et blesse le prince, qui enjoint sa bien aimée de s’enfuir et de sauver sa mère. Survient alors le charpentier, qui abat l’Orco : le petit Marat, bien que blessé, peut alors rejoindre Mariella et sa mère sur le bateau qui doit les conduire tous trois vers la liberté.
La partition
L’œuvre peut dérouter aujourd’hui par son côté « excessif », revendiqué par Mascagni lui-même qui décrétait que le petit Marat ne chantait pas mais « hurlait », et que l’élément constitutif de son opéra était, bien avant la musique, « le sang » ! De fait, l’opéra comporte une part importante de violence, essentiellement présente dans les pages chorales et surtout dans le personnage de l’Orco, rappelant inévitablement Scarpia dans sa brutalité, la volonté d’entraver la fuite des amants, le sauf-conduit qu’il doit signer pour leur permettre de s’échapper. Mais l’œuvre, certes d’un dramatisme intense (culminant dans les dernières scènes de l’acte III), est pourtant loin d’être monochrome :
En dépit des déclarations du compositeur lui-même, l’interprète du rôle-titre, malgré l’extrême vaillance requise pour l’essentiel de ses interventions, peut et doit aussi faire preuve de nuances (par exemple dans le duo du II) – nuances dont la voix du créateur, Hipólito Lázaro, n’était pas avare si l’on en croit les enregistrements sonores qu’il nous a laissés.
Bellini : I Puritani - A te, o cara - Hipolito Lazaro (1926)
Et la partition fait également entendre des pages lyriques et tendres, telle la ballade mélancolique chantée par Mariella en ouverture du second acte, ou encore le duo d’amour du même acte, trissé à la création !
Lynne Strow Piccolo- La mamma ritrovo'- Il piccolo Marat- RAI Milano, 1976.
Acte II: "Sei tu? Che cosa viene a fare?" - Hipólito Lázaro, Mafalda de Voltri (1916)
NOTRE SÉLECTION POUR VOIR ET ÉCOUTER L'ŒUVRE
CD
Umberto Borso, Viriginia Zeani, Nicola Rossi-Lemeni. Orchestre et choeur du Théâtre de Livourne, dir. O. de Fabritiis, 1961. 2 CD Warner Fonit.
Jesus Pinto, Regina de Ventura, Giancarlo Boldrini. Orchestre del Teatro Lirico , choeur del Comitato Estate Livornese, 1989. 2 CD fonè (1997).
Daniel Galvez-Vallejo, Susan Neves, Frédéric Vassar. Netherlands Radio Symphony Orchestra, Netherlands Radio Choir, dir. Kees Bakels, 1992. 2CD Bongiovanni (1994).
Streaming
Bologne, 1962, Ziino / Gismondo, Zeani, Rossi-Lemeni (bande son seulement)
Trieste, 1963, De Fabritiis /Jaia, Zeani, Rossi-Lemeni (bande son seulement)
Livourne, 2021, Menicagli, Schinasi / Simoncimi, Boi, Silvestrelli (sous-titres italiens)
LES ARTISTES DE LA PRODUCTION D'ANGERS NANTES OPÉRA
Le chef
© © Augusto Bizzi
Mario MECINAGLI
Le chef Mario Menicagli est également violoniste (il a été premier violon des théâtres de Pise, Livourne et Lucques de 1994 à 1997), compositeur et librettiste. Il a ainsi composé des parodies lyriques (Mimì e le altre, Bacco, Tabacco e Lirica), et écrit les paroles et la musique (à six mains) des opéras pop Il Puss in Boots et Cenerentola.
Sa carrière de chef d’orchestre l’a conduit à travailler dans divers théâtre d’Italie. Il a été directeur artistique du festival Effetto Venezia à Livourne de 2010 à 2014, et a dirigé, de 2011 à 2014, l’ouverture de la saison d’opéra au Teatro Goldoni de Livourne. Il est directeur de l’institution municipale Clara Schumann depuis sa fondation et directeur artistique, avec Ubaldo Pantani, du théâtre municipal de Collesalvetti. Il est considéré comme spécialiste de l’œuvre de Mascagni.
Sinfonia des Maschere de P. Mascagni (Orchestre du Théâtre Goldoni, Livourne)
La metteuse en scène
© Gio-Fratini-Florence
Sarah SCHINASI, metteuse en scène (mise en espace)
Sarah Schinasi débute sa carrière à l’Opéra de Nice en 1995 (Giancarlo Del Monaco sera son mentor et son professeur pendant de nombreuses années). Elle a depuis travaillé dans le monde entier : en Israël, en Italie, en Corée, en Chine, en Espagne,… En 2015, elle crée une nouvelle production de Don Carlo pour l’ABAO à Bilbao, Oviedo et Séville, production qui sera reprise en 2017 lors de l’ouverture du 80e Maggio Musicale Fiorentino sous la direction de Zubin Mehta.
Elle a depuis monté avec succès des productions de La Fille du Régiment (Trieste), Don Carlo (Tel Aviv), Turandot (Las Palmas), Il piccolo Marat (Livourne), Il Lombardi (Liège), Andrea Chénier (Sao Carlos), Pagliacci ou L’Italiana in Algeri (Salerne).
Extraits d'Andrea Chénier mis en scène par Sarah Schinasi (National Slovene Theatre SNG Maribor)
Les chanteurs
© Filippe Ciampoli
Samuele SIMONCINI (Il piccolo Marat, ténor)
Samuele Simoncini a étudié à Sienne, à l’Académie du Teatro Verdi de Pise et à l’Académie Maggio Musicale de Florence. Il a été l’élève de Raina Kabaivanska. Il débute sa carrière avec des rôles tels ceux de de Rinuccio dans Gianni Schicchi, Almaviva dans Il Barbiere di Siviglia, Belfiore dans La Finta Giardiniera,
Ernesto dans Don Pasquale, avant de s’orienter vers des emplois de tenore lirico / lirico spinto : Manrico, Turridu, Alvaro (La forza del destino), Radames, Calaf, Enzo Grimaldi (La Gioconda), Mario Cavaradossi (Tosca), Il piccolo Marat. Il s’est produit sur de nombreuses scènes italiennes (Parme, Turin, Ravenne, Vérone, Florence, Modène) et européennes (Berlin, Angers-Nantes) ou mondiales (Tel-Aviv) sous la direction de chefs tels Bruno Bartoletti, Riccardo Muti ou Pinchas Steinberg.
E lucevan le stelle (Tosca), Samuele Simoncini, Jacopo Sipari di Pescasseroli, Tirana Opera House
© D. R.
Rachele BARCHI (Mariella, soprano)
Née en Italie, Rachele Barchi étudie le chant au conservatoire de Terni. Elle a reçu le prix de la meilleure interprétation d’une œuvre rossinienne au concours international d’opéra San Colombano 2021 à Piacenza, et s’est perfectionnée lors d’ateliers de maîtres auprès de chanteurs tels Anna Pirozzi ou Carlo Colombara. En 2021, elle a participé à l’Académie du Festival Puccini de Torre del Lago, où elle a travaillé auprès de Renata Scotto.
Elle débute en 2017 en interprétant la Fantaisie chorale de Beethoven à la cathédrale d’Orvieto. Elle se produit ensuite sur diverses scènes italiennes (Torre del Lago, Rome, Livourne) ou étrangères (Nicaragua, Tunisie), avec une prédilection pour le répertoire de la fin du XIXe siècle / début du XXe siècle (Mimi dans La bohème, Colombina dans Le Maschere, Mariella dans Il piccolo Marat).
"Cielo, rispondo! Un uomo vano..."- Le Maschere - Teatro Goldoni di Livorno (2023)
© D. R.
Andrea SILVESTRELLI (L’Orco, basse)
Andrea Silvestrelli se produit fréquemment aux Etats-Unis (Chicago, Houston, Boston, Maryland, San Francisco, Washington), mais chante également en Australie, à Taïwan (Taïchung), ou en Europe (Trieste, Livourne, Tiroler Festspiele Erl). Son répertoire comprend les grands rôles de basse profonde, en particulier wagnériens : Klingsor (Parsifal), Fafner, Hunding, Hagen (Der Ring des Nibelungen). Mais le chanteur aborde aussi avec succès les répertoires italien (Verdi : Filippo II, le Grand Inquisiteur dans Don Carlo, Banco dans Macbeth, Pistola dans Falstaff ; Mascagni : L’Orco dans Il piccolo Marat ; Puccini : Timur dans Turandot) ; hongrois (Bartók : Barbe-Bleue dans Le Château de Barbe-Bleue) ; germanique (Mozart : le Commandeur dans Don Giovanni) ; ou français (Bizet : Nourabad dans Les Pêcheurs de perles).
La Calunnia (Il barbiere di Siviglia) - Irina Feoktistova - piano - Pianoforte Foundation, 2018
COMPTES RENDUS DE PRODUCTIONS DU PICCOLO MARAT
A venir…
Dossier réalisé par Stéphane Lelièvre
2 commentaires
Cet opéra de Mascagni est d’une actualité frappante au moment ou bien de pays sont devenus des dictatures.
Il est un vrai plaidoyer pour les droits de l’homme, la libertè de l’individu , la fraternité parmis les peuples, et la liberté d’expression.C’est aussi un opéra emblématique puisqu’il se termine avec la victoire du bien sur le mal avec l’orchestre en apothéose. Mascagni avait bien compris et rendu honneur aux ideaux de la Révolution se comportant toujours comme un homme libre en s’exprimant librement, même pendant le fascisme.C’est pourquoi son opéra mérite des productions de haut niveau et inspirées dans tous les théâtres du monde. Le fait aussi qu’il est finalement produit plus de cent ans après sa création triomphale a Rome,dans le pays où se déroule l’action, n’est autre qu’un ultime acte de justice pour cette oeuvre historique. Le ton vital du piccolo Marat, créé 31 ans après Cavalleria Rusticana, s’est révélé à chaque représentation, dans le monde entier, comme authentique et irrésistible. Mais c’est aussi un opéra qui demande TOUT du corps éxécutif ; solistes, choeurs, orchestre : c’est la condition pour le triomphe.
Cecdi dit, avec Votre permission, quelques petites rectifications dans le texte de présentation.
1) A l’arrivée de Mascagni le Conservatoirede Milan avait comme directeur Antonio Bazzini. Ponchielli y enseignait étant à sa première année, ayant parmis d’autres, comme élèves Puccini et Mascagni.
2) A Cerignola le jeune Mascagni, à peine arrivé, n’y était pas le directeur de la Fanfare ; c’était, depuis plusieures années, Prisciano Martucci, bien plus hautement salarié que Pietro Mascagni. Il y devenait » celui de l’orchestre » le chef enseignant d’un orchestre Philarmonique de Jeunes, fonction créée pour lui par le clairvoyant maire de Cerignola, Giuseppe Cannone et son aministration. Mascagni jouait déjà le piano et le violon et comme les instruments de l’orchestre restaient dans l’école il en apprenait la pratique le soir les enseignant le lendemain à ses élèves. Pour un ésprit prédisposé beaucoup est possible.
3) Il piccolo Marat :
Les prisonniers noyés à Nantes par l’ Ogre et ses acolites du comité révolutionnaire n’étaient pas condamnés par un jugement. C’étaient des prisonniers de tous genres : hommes, femmes, enfants, prêtres, » brigands » vendéens et autres. Ils attendaient un jugement mais le proconsul les faisait noyer dans la Loire pour gagner du temps : la guillotine était bien trop lente pour les milliers de prisonniers. il voulait vider les prisons, les remplir de nouveau et à nouveau les vider, sans forme de procès et en voulant éviter des épidémies. ( Voir » les noyades de Nantes » de Georges Lenôtre et l’adaptation librettistique de Giovacchino Forzano.)
4) L’Ogre ( l’Orco dans l’opéra ) n’est pas le père de Mariella, mais son oncle, qui selon le livret est responsable de la mort de sa mère. Il la traîte comme une servante et la frappe régulièrement ( elle montre ses taches bleues au charpentier.) Elle doit bien haïr son oncle, comme nous le voyons au troisième acte.
5) Le,charpentier est horrifié par l’usage que l’ Ogre veut faire de son invention ( jamais pensé comme telle ) : une boïte remplie d’explosifs qui explose à un moment précis et qui fait fondre le bateau avec tous les prisonniers. C’est probablment décrit dans » Sous la terreur » de Victor Martin qui à également servi de base au livret de Forzano. Mais la grâce que le charpentier vient implorer à Mariella dans le domicile de l’ Ogre, chose interdite, concerne la condamnation de l’Ogre, infligée au charpentier » pour le rendre plus fort!! » d’assister à toutes les exécutions importantes. ( comme le guillotinage d’enfants et autres.) C’est pour le charpentier une torture et la nuit il ne rêve plus que des noyés, et le moment survient où son âme déchirée se déchaïne en une décharge extraordinaire : il confesse à Mariella qu’il a tout raconté au Soldato, tout ce qui se passe dans la ville, les noyades et les autres formes d’extermination collectives…il finit par éclater en sanglots. Et c’est ici que le Piccolo Marat laisse tomber son masque et qu’il s’assure de la collaboration du charpentier et de Mariella pour sauver sa mère prisonnière en leur assurant qu’ils se sauveront tous ensemble dans une entreprise intrépide qui leur conduira vers des cieux plus cléments et lumineux.( Les scènes plus terribles sont encore à venir, ainsi que le formidable duo d’amour qui fut bissé à chaque représentation.)
Il est à espérer que les deux rôles de baryton du Soldato et du Carpentiere auront à Nantes et Angers des solistes de la même valeur qu’à Livorno. Ce ne sont pas des rôles secondaires comme l’on pourrait le croire, mais en réalité des personages » clés » qui apparaissent aux moments déterminants pour la bonne réussite de l’opéra. Le charpentier figure dans les trois actes et il est probablement le personage le plus tragique de l’opéra. De grands chanteurs et acteurs ont interprèté ce rôle émouvant comme le grand Afro Poli .qui est probablement l’artiste qui a chanté le rôle le plus souvent après la guerre. On peut d’ailleurs l’entendre dans de différents enrégistrements de l’opéra, Mais spécialement dans la toute première intégrale – encore toujours la meilleure – des éditions Cetra de la RAI 1962 -aussi transféré en CD dirigée par le maestro Ottavio Ziino. Afro Poli y est excellent.. Il y a 60 ans que j’adore cette édition avec Giuseppe Gismondo, Nicola Rossi Lemeni, Virginia Zeani, Giulio Fioravanti ( Soldato) et Afro Poli ( Carpentiere.) L’ édition Livournaise avec Jesus Pinto est un Live en plein air, et pourrait être fort bonne mais le son va et vient puisque les artistes se déplaçent et il n’y a qu’un ou deux microphones qui enrégistrent. L’écoute est fatiguante même si la représentation est bonne. Le livret qui accompagne ces CD est excellent et contient le meilleur et le plus complet et compréhensible synopsis que j’ai jamais lu. En plus il y plein de textes hautement informatifs sur cet opéra que personne ne connaït!
Le Soldato est l’envoyé du général Kléber pour interroger l’ Ogre sur la manière dont est administrée la justice dans la ville. Il est le véritable interprète des valeurs de la Révolution et apparaît chaque fois pour attraper l’Ogre en flagrant délict : au premier acte et surtout au centre du deuxième quand l’ Ogre et ses acolites se préparent à juger les prisonniers en riant en en buvant le bon vin de l’année 1889 dans la maison privée du proconsul : le duel épique entre la basse et le baryton et ensuite la grande scène presque hallucinante de haine et la soif du sang de l’Ogre, forment probablement le sommet de l’oeuvre.( sans parler du grand duo d’amour bissé à travers l’histoire à chaque représentation!) Le rôle du Soldato a eu de grands interprètes comme Giulio Fioravanti, Giangiacomo Guelfi, Rinaldo Rola, Silvano Verlinghieri ( à Cerignola en 1966 avec comme excellente Mariella la » veuve » de l’ex Roi Farouk d’ Egypte, Irma Capece Minutolo décedée tout récemment.) Tout bien considéré un bon baryton verdien n’est pas de trop pour ce rôle. Il est à espérer que bons barytons interprèteront ces deus personages clés car leur interprétation sera déterminante pour la bonne réussite de l’opéra entier.
Un dernier mot : Ce ne serait que normal qu’en cette occasion unique France Musique enrégistre une des trois représentations du piccolo Marat sur le sol Français, peut-être pour diffusion ultérieure, ou qu’il envisage une transmission en direct depuis Nantes ou Angers. Madame Judith Chaine sera sans doute vivement intéressée..
J’aimerais tellement assister à mon opéra préféré de Mascagni qui m’a déjà donné tant de force et de courage dans la vie, mais je deviens trop vieux pour entreprendre un si long voyage en vue de mes 82 ans.
Espérant avoir été utile et sans vouloir déranger je Vous souhaite trois fois un succes formidable et je Vous félicite vivement pour avoir donné cette chance à ce chef d’oeuvre magnifique de Mascagni. C’est un opéra fort différent de Cavalleria Rusticana – 31 ans plus tard le monde a bien changé – mais on doit apprendre à l’aimer : une fois assimilé c’est un trésor! Seul Mascagni , explorateur et expérimentateur pouvait écrire une telle oeuvre! Merçi aux deux théâtres Français pour cet acte de justice!
Hilaire De Slagmeulder : E-mail : hilaire.deslagmeulder@telenet. be Halle – Belgique.
Un grand merci pour ce commentaire cher Hilaire De Slagmeulder. J’espère que ce concert sera capté et que vous pourrez profiter de sa retransmission ! S.L.