Rencontre avec Jean-François NOVELLI, qui nous dit tout de sa « vie de ténor » !

Il vient de faire paraître un CD, de participer aux représentations d’Ô mon bel inconnu données tout récemment au Théâtre de l’Athénée, et se projette déjà dans de nouvelles aventures, aussi séduisantes qu’originales… Rencontre avec le ténor Jean-François Novelli.

CARTOUCHE : Jean-François Novelli, merci de m’accorder cet entretien. Le cycle des représentations parisiennes de Ô mon bel inconnu de Sacha Guitry et Reynaldo Hahn à l’Athénée-Louis Jouvet vient tout juste de s’achever. Vous êtes le ténor dans le plateau vocal de cette comédie musicale. Comment caractériseriez-vous votre voix ? Correspond-elle à un emploi précis dans le genre de l’opérette ?
Jean-François NOVELLI: Merci à vous pour cette interview ! Dans cette pièce de Sacha Guitry pour le texte et de Reynaldo Hahn pour la musique, les personnages sont plus typés par leur caractère que par leur voix. Il s’agit comme il le dit et comme vous le dites dans votre question d’une « comédie en musique ».
En gros il y a 2/3 de texte pur pour 1/3 de musique, ce qui justifie cette appellation de « comédie en musique ». Ainsi, les deux personnages que j’incarne, Jean-Paul dans les deux premiers actes et Monsieur Victor dans le troisième sont donnés pour une voix medium. Jean-Paul, 22 ans (la magie du spectacle, des costumes et de l’habileté du maquilleur, merci Ludovic !) est une voix plus juvénile et donc un peu plus aiguë que celle de Monsieur Victor, la soixantaine bien tassée (la magie du spectacle, des costumes, et de l’habileté de la perruquière, merci Isa !) dont la voix est, à l’égal du personnage, plus sombre, plus « mûre ».
Pour ce qui est de mon emploi, j’ai lu dans la presse, l’appellation de voix de « demi-caractère ». Je n’ai pas une expérience si importante dans le domaine de l’opérette, je laisse aux spécialistes la qualification qu’ils me donnent. Effectivement, ces deux rôles sont proches du Basilio des Noces, du Frantz des Contes d’Hoffmann, et du mari dans L’Heure espagnole, que j’ai déjà donnés. 
En tout cas j’ai l’impression que la nature du personnage est essentielle et permet d’employer des voix différentes du moment qu’elles sont en accord avec le caractère du personnage. Pour ce qui est du choix, tant de voix différentes ont chanté l’opérette ! De Bourvil à Nathalie Dessay, tout est possible !

C. : Le texte parlé du Bel Inconnu est très copieux. Les deux que vous tenez et que que vous venez d’évoquer sont très contrastés : celui de Monsieur Victor, un propriétaire bonasse, placide et bedonnant au III et celui de Jean-Paul, un exalté qui se toque d’Antoinette, un rôle bouffe physiquement très exigeant. Comment gérez-vous le passage de la voix parlée à la voix chantée ? 
J.-F. N. : C’est une question très intéressante que je me suis posée quand j’ai travaillé pour la première fois mon deuxième spectacle : Ma Vie de ténor. La première semaine de résidence m’avait causé beaucoup de problèmes de passage de l’une à l’autre… Ce spectacle est également, comme pour Le Bel inconnu, constitué pour 2/3 de texte et pour 1/3 de musique. Quelle difficulté au début d’utiliser la voix parlée avec certaines envies d’excès, et la voix chantée avec toute la technique qu’un air lyrique impose !
Pour des airs lyriques, la voix ne peut être autrement que bien placée et soutenue ; pour la parole, tout est possible, du moins nous le croyons dans l’idée. Mais utiliser les résonateurs de l’émission lyrique paraît bien artificiel quand on parle, ou alors pour typer bourgeois ou prétentieux… essayer vous verrez 😉
Il faut s’interroger techniquement : parler sans trop utiliser les résonateurs mais sans appuyer non plus, sinon on s’éloigne physiquement de la voix chantée et cela peut s’avérer extrêmement compliqué quand on veut émettre un « beau » son…  Il faut donc parvenir à rester dans une voix toujours appuyée sur le souffle – même en parlant – sans trop la « dénaturer », bref revisiter sa phonation… Peut être aussi doser les effets que l’on a envie de faire dans le parler pour typer sans forcer … Un vrai travail, au demeurant passionnant ! D’ailleurs, j’ai pu ainsi être beaucoup plus tranquille sur Le bel Inconnu, fort du travail que j’avais dû faire sur Ma Vie de ténor. Tout se travaille, tout se revisite…

C. : Ce spectacle Ma Vie de ténor est fondé sur la sixième « Soirée de l’orchestre » d’Hector Berlioz, une superbe idée. Diriez-vous que vous avez un rapport particulier avec la scène ?   
J.-F. N. : Merci ! On en parlait justement… Si j’ai monté Croustilleux La Fontaine, puis Ma Vie de ténor, c’est justement parce qu’étant plutôt, comme on dit, un chanteur d’oratorio, habillé de noir, porte-documents en main, chantant l’évangéliste ou de la musique française, j’ai découvert relativement tard mon plaisir de la scène et du jeu. A l’église il s’agit surtout d’être un passeur de mots en musique. Il est vrai que j’aimais déjà mieux l’évangéliste de Saint Jean, réputé être plus « dramatique », plus « théâtral », que celui de la Saint Matthieu. Au théâtre, il faut incarner un personnage, jouer, costumer, déguiser et surtout pour moi, ce qui a été la grande découverte, c’est la joie de faire rire !
Non pas que la joie supplée à mon plaisir de chanter et de défendre des musiques anciennes, mais c’est un tel cadeau quand un bon mot, une mimique ou un geste déclenche un rire ! Visiblement, ma nature prête à rire et j’en suis ravi ! Et puis, m’approcher du travail du Comédien pour lequel j’ai une immense admiration, gérer le rythme d’un texte, forcément non mesuré – comme en musique, me passionne.

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Jean-François Novelli – « Priez pour paix » – Poulenc

Maude Gratton – © maudegratton.fr

C. : Vous venez de faire paraître un CD, Vous souvenez-vous? avec la pianiste Maude Gratton, sur un piano Érard ancien qui a parfois des sonorités de luth, pour un récital de mélodies françaises de compositeurs oubliés qui jouent avec des textes et des formes musicales anciennes. Avez-vous un rapport privilégié à la musique ancienne ? À la langue française ? À la mélodie ? 
J.-F. N. :
Je suis totalement issu des musiques anciennes. D’une part, parce que je suis flûtiste à bec de formation, j’ai passé tous mes diplômes, j’ai enseigné, et d’autre part, parce que fort de cette culture, j’avais une longueur d’avance en terme de style dans mon parcours de chanteur. Ainsi, quand j’ai rencontré William Christie ou Christophe Rousset au CNSM où j’ai fait mes études de chant, ils m’ont engagé assez vite du fait de cette culture.

 Il se trouve que j’ai visiblement aussi un timbre, une légèreté de voix qui s’accorde bien à la musique ancienne. Le disque classique qui précède celui qui vient de sortir : Silentium, est un récital de motets français des XVIIe et XVIIIe  siècles. On est loin de Jean-Paul et de sieur Victor…  Je suis également un amoureux des mots, grand lecteur. Ce disque : Vous souvenez-vous ?, j’ai essayé d’y mettre tout ce que j’aime. Cette thématique de l’hommage aux musiques anciennes me permet de raccorder avec mes amours d’antan, les poèmes mis en musique vont vers mon plaisir de la poésie, la volonté de faire découvrir des auteurs inconnus me donne la joie d’ouvrir la boite à trésor des musiques nombreuses encore inconnues, et parfois perdues dans des tiroirs fermés. Enfin le fait d’enregistrer trois chansons qui ont été écrites pour le projet aujourd’hui m’ancre dans une « modernité ». Les retours sont pour l’instant très bons et surtout les gens qui m’en parlent apprécient ma démarche. Je suis ravi d’avoir reçu il y a peu un message d’une chanteuse qui me demandait des partitions d’airs que je chante sur le disque plus tellement trouvables… Je suis ravi que d’autres chanteurs(ses) puissent y puiser matière à leur propre concert, comme j’ai pu le faire de la même manière dans le passé.

C. : Des projets?  
J.-F. N. : Oui ! Le festival d’Avignon cet été, avec Ma vie de ténor est un roman qui m’intéresse beaucoup, au théâtre de la porte Saint Michel, du 7 au 29 juillet 2023. Également, en avant-première, au tout nouveau printemps du off les 25 et 26 mai dans le même théâtre, sorte d’avant première du festival de cet été. Nous n’avons pas parlé à proprement parler du contenu du spectacle : il ne s’agit pas de ma vie à moi mais plutôt d’une farce caustique sur l’ego des chanteurs en général, d’après, comme vous l’avez dit, un texte de Berlioz, celui-ci lâchant parfois la note pour la consonne, et se vengeant de ses déboires musicaux avec sa très jolie plume. Comme vous pouvez peut-être vous en douter il y a à dire, il y a à rire.
Nous redonnons ensuite Ô mon Bel inconnu, à la fin de l’année, à Dijon, Rouen, Avignon et Massy.
Et nous donnerons, avec Maude Gratton, notre programme du disque Vous souvenez-vous ? en concert à Paris ainsi qu’en Bourgogne et en Belgique.
Un site internet pour présenter tout cela est en cours de création ! 

C. : Merci, Jean-François Novelli. 
J.-F. N. : Merci à vous !