Grands artistes pour petites Noces !

Iñaki Encina Oyón, Tamara Bounazou, Kamil Ben Hsaïn Lachiri, Gilen Goicoechea : rencontre avec le chef d’orchestre et trois des  chanteurs ayant assuré le succès des Petites Noces au Théâtre des Champs-Élysées (après Rouen et avant Avignon). Des artistes bourrés de talent, dont il convient de suivre les carrières avec attention  !

Après Un Barbier en 2018 et Carmen en 2019, les « Opéras participatifs jeune public » sont devenus un moment incontournable des saisons du Théâtre des Champs-Élysées. Les spectacles sont montés avec un soin extrême, permettent de découvrir de jeunes chanteurs très prometteurs, et proposent de remarquables dispositifs pédagogiques afin que les enfants se préparent efficacement au spectacle. Les élèves ont entre autres, à leur disposition, des enregistrements sonores destinés à leur faire apprendre les pages musicales qu’ils interpréteront avec les chanteurs le jour J. Car qui dit « opéra participatif » dit, nécessairement, inclusion du public dans le spectacle lui-même. Des chefs de chant passent même dans les écoles pour entraîner les élèves et assurer les répétitions…  Et c’est toujours un grand bonheur mais aussi un vrai moment d’émotion, lorsque, en pleine représentation, la lumière se rallume dans le théâtre, que le chef se retourne vers le public, et qu’on entend des voix d’enfants interpréter avec conviction (et talent !) les pages de Rossini, Bizet, ou … Mozart !

Car cette année, ce sont Les Noces de Figaro qui ont été retenues en tant qu’Opéra participatif jeune public. Le livret a été traduit par Henri Tresbel, la mise en scène, très astucieuse, réglée par Gilles Rico, et la direction musicale assurée par Iñaki Encina Oyón. Mais écoutons les principaux acteurs du projet évoquer eux-mêmes leur travail :

Les chanteurs réunis cette année autour de ce projet se sont prêtés au jeu avec enthousiasme. Première Loge a rencontré trois d’entre eux : Tamara Bounazou (Suzanne), Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Figaro) et Gilen Goicoechea (le Comte), ainsi que le chef Iñaki Encina Oyón. Leur enthousiasme n’a d’égal que leur talent et leur gentillesse !

La musique fait partie de la vie d’Iñaki depuis toujours ou presque : il suit sa grande sœur qui prend des cours de solfège alors qu’il n’a que 5 ans, et… il adore ! Il a toujours su que la musique serait sa vie :

– J’ai toujours chanté, joué du piano, j’avais l’oreille absolue, bref, je savais déjà, tout petit, que je serais musicien. Alors que je faisais partie d’une chorale, à 12/13 ans, je suis devenu pianiste accompagnateur parce que je déchiffrais très facilement. Je suis venu en France (à Toulouse exactement) parce qu’en Espagne, il n’y a pas de diplôme d’« accompagnement »… De retour en Espagne, j’ai travaillé la direction d’orchestre, mais j’avais déjà l’envie très nette de me spécialiser dans le lyrique… 

Pour les trois chanteurs, ce sont plutôt les hasards de la vie qui les ont amenés au monde de l’Opéra.

Tamara Bounazou, à 15 ans, découvre l’Opéra en surfant sur internet. L’émerveillement est instantané : elle veut travailler le chant, pas vraiment pour devenir chanteuse mais simplement parce que ces voix la fascinent… Elle qui était hyper active et se déconcentrait très vite va trouver ici matière à canaliser son attention, et le chant va progressivement occuper l’essentiel des ses pensées et de ses préoccupations. Après être passée par le CNSM de Lyon, elle termine  actuellement son master à Vienne.

Pour Kamil Ben Hsaïn Lachiri, rien n’aurait pu se faire sans un amour immodéré des bonbons…
« Il y avait un vieux piano chez ma grand-mère et elle me donnait un bonbon chaque fois que j’en jouais ! » Kamil a commencé à apprendre le piano, et il s’est inscrit au conservatoire de Bruxelles après le lycée. On lui a alors demandé de chanter devant un professeur de chant, et il a bien dû s’exécuter puisque cela faisait partie de sons cursus de formation de pianiste. Surprise : la professeure lui propose, s’il en est d’accord, de poursuivre dans cette voie… Un peu plus tard, Kami, appelé pour renforcer les chœurs de la Monnaie, découvre la magie de la scène, des costumes, du maquillage, des décors, de la musique, bref, de l’Opéra, un monde dont il ignorait à peu près tout. C’est, définitivement, ce qui décidera de sa vocation – ce et qui lui apportera l’équilibre qu’il recherchait. 

Pour Gilen Goicoechea , les choses sont un peu différentes dans la mesure où il a toujours baigné dans un univers musical (sa mère dirigeait une petite école de musique). Gilen a toujours chanté, mais « un peu n’importe quoi et n’importe comment ; je chantais tout en voix de tête ! Après le lycée, j’ai voulu faire du chant, mais je pensais plutôt à de la variété. Et c’est un professeur, pour moi aussi, qui va découvrir ma vraie voix et me dire qu’en fait, je devais m’orienter vers l’opéra…  »

Entre les quatre jeunes artistes en tout cas, la complicité est totale ! Visiblement, ils se sont « trouvés » et éprouvent le même bonheur à participer à cet opéra « jeune public ».

« C’est un public très exigeant, explique Iñaki. Nous n’avons pas droit à l’erreur !

– Je savais que je devrais me donner à fond, encore plus que d’habitude, précise Tamara. Les enfants se déconcentrent rapidement et sont en permanence dans l’interaction, ils se considèrent comme faisant partie intégrante du spectacle, c’est un critère qu’on ne peut pas ne pas prendre en compte dans notre façon de travailler !

– Leurs réactions sont vives et il faut apprendre à faire avec ! Leurs éclats de rire peuvent être communicatifs, explique Gilen. De même, lorsqu’ils rient alors que je chante quelque chose de sérieux, mais parce qu’il y a un détail qui les amuse dans un jeu de scène derrière moi, cela perturbe, forcément !

Iñaki explique que, si certaines réactions sont attendues (les rires quand Chérubin se déguis en fille, les cris de frayeur quand le Comte arrive avec sa fache), d’autres sont parfois très surprenantes :

– Quand Figaro fait un bisou sur la bouche de Suzanne, on entend régulièrement des « bah !!… » On ne s’attendait pas du tout à ça !!!

Tous s’accordent, en tout cas, sur l’extrême importance du projet :

– On présente un spectacle à 15 000 enfants, c’est, pour la plupart d’entre eux, la première fois qu’ils viennent à l’Opéra. Nous portons donc une vraie responsabilité ! C’est pour ça qu’on se donne à 1000 %. Je suis en tout cas aussi exigeant avec les chanteurs, musicalement, que pour n’importe quelle autre production, déclare Iñaki. Ce serait catastrophique que les enfants s’ennuient et qu’ils n’aient plus jamais envie de retourner à l’Opéra !

Rien à craindre de ce côté-là lorsqu’on constate l’enthousiasme des enfants à la fin du spectacle ! Ils reviendront à l’Opéra, tout comme ces jeunes artistes se retrouveront pour d’autres projets, à coup sûr : ils en brûlent d’envie en tout cas ! Et nous sommes pour notre part très impatients de les retrouver très vite sur scène, dans d’autres productions…

Interviews réalisées par Stéphane Lelièvre en février 2020