Grace Durham à la Bibliothèque La Grange-Fleuret : l’état de Grace !

Nul ne sait encore si le prochain président de la république française bénéficiera du traditionnel « état de grâce » censé l’accompagner durant les premiers mois de son mandat, mais alors que se déroulait le débat censé aider les électeurs à choisir à quel candidat ira leur voix au second tour, les mélomanes parisiens étaient conviés à admirer la voix splendide de la mezzo-soprano britannique Grace Durham, un mois après son récital de midi à l’Auditorium du Musée d’Orsay. C’est cette fois dans le cadre délicieusement intime de la Bibliothèque La Grange-Fleuret (ex-Médiathèque Gustav Mahler) que se déroulait ce concert, l’un des nombreux que propose ce haut lieu musical. La saison de ces « concerts du mercredi » avait été inaugurée en février dernier par une soirée – forcément – consacrée aux lieder de Gustav et Alma Mahler ; c’était hier soir la deuxième fois que l’on chantait dans cette salle qui se prête fort bien à l’exercice du liederabend, et l’on espère que la programmation de la saison prochaine s’ouvrira davantage encore à la voix.

Surtout si le programme et l’interprétation sont à la hauteur de ce qu’ont proposé Grace Durham et son fidèle pianiste Edward Liddall. Ceux qui l’avaient entendue au Musée d’Orsay savent que la mezzo s’exprime dans un français impeccable : elle l’a prouvé à nouveau dans les Histoires naturelles de Ravel qui ouvraient la soirée, joignant à sa diction irréprochable un sens du théâtre et de l’humour indispensable dans ces pages. En l’écoutant, on songe à ces artistes qui nous expliquent doctement qu’il est impossible de chanter le français comme on le parle : eh bien si, on le peut, une chanteuse britannique nous le prouve, renouant avec un art de dire/chanter notre langue que bien des francophones pourraient lui envier.

C’est avec le même panache et la même énergie dramatique qu’elle livre ensuite cinq extraits de l’Italienisches Liederbuch d’Hugo Wolf, prouvant ainsi que l’allemand est un autre idiome qu’elle maîtrise fort bien. Le concert se termine avec les Mélodies tziganes de Dvořák dans l’original tchèque (Grace Durham sera cet été le garçon de cuisine dans Roussalka au festival de Garsington) qui figuraient déjà au programme du concert du Musée d’Orsay. Et comme lors de ce même concert, le pianiste et la chanteuse, chaleureusement applaudis, offrent en bis « O Waly, Waly » de Benjamin Britten, rendu ici encore plus déchirant par la proximité directe avec le public que permet le salon Gustav-Mahler.

Les artistes

Grace Durham, mezzo-soprano
Edward Liddall, piano

Le programme

Ravel, Histoires naturelles
Wolf, Italienisches Liederbuch
Dvořák, Mélodies tziganes

Bis : Britten, « O Waly, Waly »

Concert du mercredi (20 avril 2022), Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret, 11bis rue Vézelay (Paris VIIIe)