Les festivals de l’été –
Le Festival d’Opéra de Bavière célèbre son 150e anniversaire avec une Fille du Régiment exceptionnelle !

Une mise en scène intelligente et efficace, une distribution de grande qualité, avec en tête d’affiche les superlatifs Serena Sáenz et Lawrence Brownlee  : Munich propose une Fille du Régiment inoubliable !

L’Opéra d’État de Bavière a célébré de manière grandiose le 150e anniversaire du prestigieux Festival d’Opéra d’été à Munich, avec une série de productions lyriques majeures et très intéressantes. La première à laquelle nous avons assisté, le 1er juillet, était celle de l’opéra-comique français de Donizetti La Fille du régiment, très apprécié des mélomanes belcantistes, et dont les différents rôles ont été interprétés par une distribution internationale de premier plan. Plus précisément, le rôle de Tonio a été confié au ténor américain Lawrence Brownlee, réputé dans ce répertoire, qui l’ a même tenu dans la production de Laurent Pelly à l’Opéra de Paris, l’automne dernier. Le rôle tout aussi important et exigeant de Marie a été interprété par la soprano espagnole Serena Sáenz, encore peu connue du public français. La direction musicale a été confiée au chef d’orchestre italien Stefano Montanari, qui a dirigé Les Brigands au Palais Garnier en septembre dernier, tandis que la mise en scène a été signée par le metteur en scène d’opéra italien Damiano Michieletto.

Commençons par ce dernier, pour dire que la mise en scène a été très réussie : Michieletto a créé un tableau gigantesque avec la scène comme toile de fond, les solistes et le chœur comme palette de couleurs – avec les magnifiques costumes d’Agostino Cavalca – le tout rehaussé par les éclairages dramatiques d’Alessandro Carletti. Cette équipe purement italienne a su soutenir techniquement l’idée de base du metteur en scène : celle du paysage forestier enneigé où se déroule l’intrigue, les protagonistes gagnant en intérêt visuel sur le fond blanc, qui met en valeur leur physionomie et leurs vêtements. En effet, les costumes ont été choisis soit pour s’harmoniser avec le paysage environnant (comme les uniformes blancs des soldats), soit pour créer un contraste avec des vêtements colorés et vifs, qui soulignent certains des personnages principaux. De beaux jeux visuels ont suscité un effet de surprise lorsque le chœur a surgi derrière la forêt apparemment unidimensionnelle, ou encore lorsque, dans le dernier acte, cette forêt a été représentée sur un tableau d’où le régiment a littéralement jailli, déchirant la toile – créant des moments surprenants et mémorables !

Serena Sáenz – © D.R. (Site de la Bayerische Staatsoper de Munich)
Lawrence Brownlee – © Marty Umans

Mais c’est la partie musicale et vocale du spectacle qui a remporté le plus grand succès. Dès l’interprétation convaincante de l’introduction, on a pu apprécier les merveilleux bois transparents, la plasticité extraordinaire des cordes, avec une belle expressivité chez les basses particulièrement riches de l’Orchestre de l’Opéra de Bavière – lequel a rendu les thèmes de l’ouverture avec une justesse parfaite. Tout aussi impressionnant, le Chœur de l’Opéra (dirigé par Christoph Heil) a brillé par sa coordination et sa qualité vocale impeccable, en particulier lors des tutti explosifs, accompagnant les solistes avec une conviction absolue. La Marie de Serena Sáenz a développé de manière impressionnante les caractéristiques de la soprano colorature, avec une souplesse et une aisance appréciables dans les acrobaties vocales, après le duo tout aussi expressif avec un général Sulpice vocalement stable et solide, interprété par le très talentueux baryton géorgien Misha Kiria. L’entrée en scène de Brownlee a immédiatement donné lieu à un nouveau dialogue passionné entre Marie et Tonio, où le lyrisme, l’intensité et l’effervescence ont été soutenus par un accompagnement orchestral tout aussi convaincant, qui a mis en valeur les qualités des solistes sans les éclipser. Brownlee a interprété le célèbre et très apprécié air « Ah mes amis ! » avec une pulsation extraordinaire, une maîtrise et une synchronisation parfaites lors des spectaculaires montées et descentes vocales, rendant les neuf do aigus avec une grande précision, mais sans une projection vocale trop imposante qui aurait couvert la salle. L’ « adieu » déchirant a été quant à lui interprété avec les nuances dramatiques appropriées et avec un chant des plus convaincants en termes de style et d’expression de la part des deux solistes. Tout au long de l’œuvre, le rôle de la narratrice a été interprété (en allemand) avec beaucoup de gaieté dans la description et la narration théâtrale par l’actrice d’origine hongroise Sunnyi Melles, fille du chef d’orchestre Carl Melles.

Au deuxième acte, la soprano allemande Dorothea Röschmann, dans le rôle de la marquise de Berkenfield, a laissé une belle impression par le contrôle constant de sa voix dans le dialogue avec Marie, prélude au « chant du Régiment » rythmiquement et techniquement impeccable interprété par Sáenz, qui a également répondu aux exigences kinésiologiques et chorégraphiques du rôle (supervision : Thomas Wilhelm).

Le climax de la soirée a lieu lorsque l’on entend faiblement au loin la marche militaire et lors de l’entrée triomphale – à travers le tableau – du Régiment sous la direction de Tonio, conduisant, aux côtés de Sulpice, à un trio caractérisé par une imbrication vocale maîtrisée, un grand lyrisme et une émotion intense (« Tous les trois réunis »). Les interventions des personnages secondaires ont également été de grande qualité : Hortensius (Martin Snell), le Caporal (Christian Rieger) et le Paysan (Dafydd Jones), sans toutefois laisser une impression très forte, principalement en raison du rôle limité que leur réserve le livret. L’entrée de la Marquise et le rejet de Tonio ont été rendus sur un ton dramatique, tandis que le chant de Marie (« Quand le destin, au milieu de la guerre ») a mis en évidence de la manière la plus passionnée et la plus extatique le moment crucial où l’héroïne change habilement l’opinion des personnes présentes en sa faveur. La scène finale se termine par la scène au cours de laquelle  la Marquise, émue par la chanson, se confesse à Marie et donne son consentement au mariage avec Tonio, ouvrant la voie au joyeux et dionysiaque chœur « Salut à la France ! », dans lequel ont brillé la puissance et l’équilibre des voix de l’excellent Chœur de l’Opéra de Bavière, clôturant de la manière la plus explosive une soirée inoubliable !

Les artistes

Marie : Serena Sáenz
La Marquise de Berkenfield : Dorothea Röschmann
La Duchesse de Crakentorp : Sunnyi Melles
Tonio : Lawrence Brownlee
Sulpice : Misha Kiria
Hortensius : Martin Snell
Un soldat : Christian Rieger
Un paysan : Dafydd Jones

Bayerisches Staatsorchester, dir. Stefano Montanari
Chœur de la Bayerische Staatsoper, dir. Christoph Heil

Mise en scène : Damiano Michieletto
Décors : Paolo Fantin
Costumes : Agostino Cavalca
Lumières : Alessandro Carletti
Chorégraphie : Thomas Wilhelm
Dramaturge : Saskia Kruse Mattia Palma

Le programme

La Fille du régiment

Opéra-comique en deux actes de Gaetano Donizetti, livret de Jules­ Henri Vernoy de Saint­ Georges et de Jean-­François Bayard, créé à l’Opéra-Comique de Paris le 11 février 1840.
Munich, représentation du mardi 1er juillet 2025.