Carnaval baroque à Versailles

La présentation du spectacle annonçait clairement la couleur : « D’un festin pittoresque à un théâtre de rue en passant par une chasse à l’homme le long des ruelles, chanteurs et acrobates nous enchantent au fil des danses et des chansons populaires. »

Par les temps anxiogènes qui nous hantent, on ne peut que se réjouir de trouver ici où là quelques rares moments de répit. Ce Carnaval baroque proposé par Le Poème Harmonique est plus que l’un d’eux, tant la bonne humeur qu’il distille est communicative et salutaire. Car c’est à une grande heure et demi de bonheur scénique que les tous les acteurs nous convient.

« C’est la rencontre entre acrobates, jongleurs, mimes, chanteurs et musiciens d’aujourd’hui qui a permis de restaurer l’énergie créatrice de la fête carnavalesque », annonce le site de l’ensemble de Vincent Dumestre. Disons d’emblée que la vitalité et l’humour de tous les acteurs sont les garants d’une réussite qui se mesure aux rires d’enfants (et d’adultes) entendus dans la salle comme aux applaudissements nourris après chaque numéro.

https://www.youtube.com/watch?v=F6KBAEsZaHo

Ce sont des musiques baroques populaires, portées par les chants napolitains ou romains comme par les danses, dont la Tarantella del Gargano, des chaconnes et moresques qui se mêlent aux arts du cirque, afin de recréer l’atmosphère enjouée de la commedia dell’arte. Sans oublier le pastiche, élément essentiel à ce genre – et celui du Lamento della Ninfa de Monteverdi est particulièrement jouissif.

Traditionnellement, à Rome, dix jours de fêtes populaires hautes en couleurs précédaient l’entrée dans le Carême. C’est cet esprit que cherche à recréer l’équipe à l’origine d’un spectacle déjà éprouvé depuis il y a une vingtaine d’années, mais ici totalement réinventé, enrichi et totalement réussi – à un petit bémol près. Il concerne les musiques car elles gagneraient à plus de diversité, d’originalité, de folie même, afin d’éviter un certain sentiment de monotonie dans les refrains et les passacailles.

Les musiciens ne sont pas en cause, loin de là, entrainés dans la danse par la guitare ou le luth de Vincent Dumestre, avec Louise Ayrton au violon et Isaure Lavergne passant avec bonheur de la flûte au basson baroques. Et puis il y a les percussions toujours subtiles de Michèle Claude, Adrien Mabire s’en donnant à cœur joie au cornet à bouquin (jusqu’à une Marseillaise gaillarde en ce lieu royal !) et Simon Guidicelli se lâchant sur sa contrebasse. Un banquet musical en somme, avec quatre chanteurs qui font plus que se prêter au jeu, particulièrement dans le cas de l’alto enjôleur d’Anaïs Bertrand.

Tous les regards se tournaient pourtant vers les circassiens qui méritent les plus grands éloges : les mimes par leur drôlerie, les acrobates et jongleurs par leur habileté, leur façon de nous faire rêver autour d’un mât chinois (incroyables postures de Rocco Le Flem et Antoine Hélou) ou avec une roue Cyr, ce cerceau géant que manie Quentin Bancel avec une maestria  confondante.

Cette réussite est celle d’une équipe, marquée par la somptuosité des costumes et des masques de Polichinelles de Maxence Rapetti-Mauss et Chantal Rousseau, et par l’inventivité des décors, dans une mise en scène au cordeau de Cécile Roussat. Il y a de la joie, de la magie, de l’émerveillement dans ce spectacle euphorisant !

Les artistes

Anaïs Bertrand, Alto
Paco Garcia, Ténor
Martial Pauliat, Ténor
Igor Bouin, Baryton

Mise en scène, conception visuelle : Cécile Roussat
Collaboration artistique : Julien Lubek
Réalisation costumes : Maxence Rapetti-Mauss et Chantal Rousseau
Lumières : Christophe Naillet
Scénographie : François Destors

Le Poème Harmonique
Vincent Dumestre, Dramaturgie musicale, direction musicale

Le programme

Un Carnaval à Rome : Arts du cirque, musique et danse au XVIIe siècle

Opéra Royal du Château de Versailles, représentation du vendredi 20 juin 2025.