Au Maggio Musicale fiorentino, une CARMEN rêveuse sous la baguette de Zubin Mehta

Le Maggio Musicale fiorentino accueille la Carmen de Bizet avec la française Clémentine Margaine dans le rôle-titre – et Zubin Metha à la baguette, à qui le public fait un triomphe.

La saison lyrique 2022-2023 du Maggio Musicale Fiorentino s’achève sur l’un des titres les plus aimés et les plus joués au monde : Carmen de Bizet, qui ne manque jamais d’attirer le public, surtout lorsqu’on met en scène une mezzo-soprano comme Clémentine Margaine, qui passe pour l’une des meilleures spécialistes du rôle à l’heure actuelle, et sur le podium Zubin Mehta, pour lequel le public florentin manifeste, au-delà de la simple appréciation musicale, une profonde affection. C’est donc dans un théâtre comble que l’opéra a fait ses débuts le 28 mars ; le public a manifestement bien accueilli la lecture quelque peu rêveuse de Zubin Mehta (loin de la débordante vivacité que l’on attend habituellemet d’une représentation de Carmen), l’applaudissant chaleureusement à la fin, ainsi que l’Orchestra del Maggio, suivant scrupuleusement les irectives du chef, et le Chœur, qui a fourni une excellente prestation tant sur le plan vocal qu’au niveau des déplacements scéniques. Les mouvements des masse, y compris ceux des enfants, précis et gracieux malgré les difficultés liées à leur entrée au premier acte, sont l’un des points forts de la mise en scène de Matthias Hartmann (alors que ceux imposés aux protagonistes n’apparaissent pas toujours adéquats) ; Hartmann a été appelé à remplacer Piero Faggioni (dont le nom figure encore sur sur des affiches placées à l’extérieur du théâtre), qui a dû se désister peu avant le début des répétitions, de sorte que la nouvelle mise en scène du Maggio Musicale Fiorentino a également été supprimée – de manière providentielle, compte tenu de l’actuelle situation financière du théâtre, qui a récemment été placé en redressement judiciaire. L’ancien surintendant Alexander Pereira, encore en fonction à l’époque, a opté pour un spectacle  “prêt à l’emploi”, ayant déjà subi l’épreuve de la scène il y a quelques années à Zurich et Turin. Une scène très simple, constituée d’un grand disque (rond comme une “plaza de toros”) sur lequel sont disposés quelques éléments différents à chaque acte suffit à évoquer les différents milieux de l’action. Disons pourtant que ceux qui ne connaissent pas l’opéra peuvent difficilement deviner, grâce au parasol portant les mots “Polizia” (police), que nous nous trouvons sur une place de Séville et non sur la plage de Fregene… Plus compréhensible, dans le deuxième acte, la taverne de Lilas Pastia, qui présente de curieux points de contact avec la très discutée mise en scène de Leo Muscato vue, toujours au Maggio Musicale, en 2018 : ici aussi, les gitans disposent d’un petit téléviseur qui semble retransmettre un match de football ; et ici aussi,  il y a un mort de trop par rapport au livret : cette fois-ci non pas Don José, mais Zuniga. Il faut cependant reconnaître que la scène de l’acte IV, nue si ce n’est la présence d’un olivier à droite ainsi qu’une paire de cornes de taureau sur le proscenium, manifestement destinée à évoquer l’arène dans laquelle Escamillo se couvre de gloire alors que se déroule le drame final entre Carmen et son ex-amant farouchement rejeté (un symbole qui a néanmoins provoqué quelques rires dans le public à l’ouverture du rideau: « Qu’est-ce que ça représente? Les cornes de Don José ? »), est finalement suggestive.

Après avoir posé le cadre, venons-en aux protagonistes. Clémentine Margaine possède une voix très sombre qui, combinée aux mouvements souvent brusques imposés par la mise en scène (elle semble parfois imiter le râle d’un taureau), en fait une Carmen redoutable, au détriment des nuances du personnage. Franceso Meli aborde le rôle de Don José en professionnel averti ; Mattia Olivieri a une belle voix claire de baryton, peut-être mieux adaptée aux rôles de Mozart ou de Verdi, mais il possède le physique du rôle pour Escamillo et est pleinement convaincant – en dépit d’un registre grave parfois perfectible. Les comprimari ont également offert de très belles prestations, en particulier Le Dancaïre (William Hernandez) et Le Remendado (Oronzo D’Urso), excellents à entendre comme à regarder. Le quintette du deuxième acte, avec Carmen, Frasquita (Aitana Sanz Pérez) et Mercédès (Xenia Tziouvaras, issue des rangs de l’Accademia del Maggio Musicale) est une belle réussite. La Micaëla de Valentina Naforniță est agréable, mais pas suffisamment incisive, et elle montre également quelques limites vocales, notamment dans l’aria de l’Acte III. Néanmoins, le public a dispensé des applaudissements nourris à tous les artistes (réservant une standing ovation à Mehta lorsqu’il est apparu sur scène) ; quelques faibles protestations ont été émises à l’encontre du metteur en scène, mais depuis 14 ans que cette production a été créée, il s’y est sûrement habitué…

 Un chapitre à part mériterait de traiter l’aspect philologique de la version proposéé, prenant en compte les modifications textuelless plus ou moins complexes subies par Carmen une fois qu’elle eut quitté la scène de l’Opéra-Comique de Paris : bornons-nous à dire que, comme à Turin pour la même mise en scène de Hartmann, l’édition Oeser 1964 a été utilisée moyennant quelques modifications.

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Prochaines représentations : jeudi 6, mardi 11 et vendredi 14 avril à 20h et dimanche 16 avril à 15h30.

Les artistes

Carmen : Clémentine Margaine
Don Josè : Francesco Meli
Micaëla : Valentina Naforniță
Escamillo : Mattia Olivieri
Moralès : Lodovico Filippo Ravizza
Zuniga : Volodymyr Morozov
Lillas Pastia : Stefano Mascalchi
Le Dancaïre : William Hernandez
Le Remendado : Oronzo D’Urso
Frasquita : Aitana Sanz Pérez
Mercédès : Xenia Tziouvaras
Un Bohémien : Nicolò Ayroldi
Une marchande d’oranges : Amanda Ferri

Chœur (dir. Lorenzo Fratini), Chœur d’enfants (dir. Sara Matteucci ) de l’Académie et orchestre du Maggio Musicale Fiorentino, dir. Zubin Mehta

Mise en scène : Matthias Hartmann
Décors : Volker Hintermeier
Costumes : Su Bühler
Lumières : Valerio Tiberi

Le programme

Carmen

Opéra-comique en quatre actes de Georges Bizet, livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy d’après Prosper Mérimée, créé à l’Opéra-Comique à Paris le 3 mars 1875.
Maggio musicale fiorentino, représentation du jmardi 28 mars 2023.