Séductions pastels avec La caravane du Caire à Tours

En coproduction avec Versailles, qui le présentera au printemps 2023, l’Opéra de Tours met à l’affiche la résurrection scénique un opéra-ballet de Grétry, La caravane du Caire –  les conséquences de la pandémie ayant reporté les représentations prévues à la fin de la saison dernière, le concert dirigé par Hervé Niquet programmé en substitution avait donné un avant-goût de cette redécouverte. L’ouvrage s’inscrit dans l’orientalisme à la mode en cette fin de Siècle des Lumières, avec son lot de stéréotypes ottomans : l’année précédente, en 1782, Mozart donnait L’enlèvement au sérail.

Si le livret de Morel de  Chédeville se révèle pour le moins convenu, porté par une partition galante rehaussée de quelques numéros chorégraphiques – lesquels permettent d’apprécier la relecture des codes de la danse de l’époque par Jeannette Lajeunesse Zingg –, c’est sans doute avec l’entrée en scène de Florestan au troisième acte, et son air « Ah ! Si pour la patrie » que le compositeur s’est montré le plus inspiré. Dans cette scène dramatique, le père de Saint Phar noue blessure  paternelle et gloire militaire au fil d’habiles nuances harmoniques que Jean-Gabriel Saint Martin investit avec une intelligence expressive et la plénitude d’un baryton qui mériterait une reconnaissance plus grande de la part des salles de France – et d’ailleurs. C’est indéniablement dans ce personnage noble et souffrant que le soliste donne le meilleur de lui-même, après les pittoresques interventions du marchand d’esclaves Husca, dans les deux premiers actes.

Le reste de la distribution ne démérite pas pour autant. Maya Villanova pépie avec une fraîcheur légèrement acidulée les sentiments de Zélime pour le Saint Phar à l’émission claire et légère de Blaise Ratoanina, tout à fait dans le génie du répertoire auquel appartient l’opus de Grétry. L’Almaïde de Chloé Jacob contraste avec une énergie plus nerveuse qui résume la soif de revanche de l’épouse délaissée par l’Osman Pacha robuste d’Olivier Laquerre, avec des graves bien présents, compensant la relative mollesse de la ligne atténuant sans doute significativement la cruauté du rôle. Enguerrand de Hys assume la volubilité servile de Tamorin, en un pertinent mélange d’aisance et d’affectation. Le trio d’esclaves ne manque pas de personnalités, entre l’allant délié de Lili Aymonino en esclave française, les vocalises serrées de Tatiana Probst dans son pendant italien, et la frondeuse Mélanie Gardyn en passionaria teutonne. Mentionnons encore les répliques d’Osmin dévolues à Jean-Marc Bertre, et celles de Furville revenant à Yaxiang Lu, l’un et l’autre comprimarii en situation. Quant au Chœur de l’Opéra de Tours, préparé par David Jackson, il prend toute sa part à la vitalité de l’interprétation.

À la tête de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire-Tours, Stéphanie-Marie Degand défend avec vitalité et esprit les pastels d’une partition qui tutoie parfois la parodie. Les couleurs et la mise en place des pupitres tourangeaux se consolident en même temps que l’intérêt et les saveurs de l’œuvre, sertis dans les décors chatoyants d’Antoine Fontaine, les costumes dessinés à l’avenant par Camille Assaf, sous les lumières d’Hervé Gary, partenaires d’une apparence de premier degré non dénuée de sourire de la mise en scène cartons-pâtes de Marshall Pynkoski.

Les artistes

Husca / Florestan : Jean-Gabriel Saint Martin 
Tamorin : Enguerrand de Hys 
Zélime : Maya Villanueva
Almaïde : Chloé Jacob 
Saint Phar : Blaise Ratoanina 
Osman Pacha : Olivier Laquerre 
Esclave française : Lili Aymonino 
Esclave italienne : Tatiana Probst 
Esclave allemande : Mélanie Gardyn
Osmin : Jean-Marc Bertre 
Furville : Yaxiang Lu 

Chœurs de l’Opéra de Tours, Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, dir. Stéphanie-Marie Degand 
Mise en scène : Marshall Pynkoski
Chorégraphie : Jeannette Lajeunesse Zingg

Le programme

La Caravane du Caire

Opéra-ballet en 3 actes de André Ernest Modeste Grétry, livret de Étienne Morel de Chédeville, créé au Théâtre royal de Fontainebleau le 30 octobre 1783.

Coproduction Opéra de Tours et Opéra Royal de Versailles

Représentation du mardi 26 avril 2022, Opéra de Tours