Didon est morte ! – Didon et Énée à l’Opéra d’Avignon

Mettre en scène la Didon de Purcell est un vrai défi. Pas toujours convainquant. Le spectacle proposé par Benoît Bénichou ne résout pas le dilemme.
C’est à une plongée rétrospective que nous invitait le spectacle avignonnais. Car Didon et Enée était précédé d’un prologue post mortem, utilisant airs de Purcell venus d’autres œuvres et des extraits de Shakespeare. Mais surtout, en référence à Virgile qui, dans L’Enéide, fait descendre le héros aux enfers, là où il apprend le destin tragique de son ancienne maîtresse.
Si l’on n’avait pas lu l’excellent livret proposé aux spectateurs, il est clair que l’on était plutôt perdu, car l’opéra lui-même était présenté comme un flash-back. Et le spectacle se finissait par d’improbables retrouvailles de Didon et Enée aux enfers.

Tout comme le Peter Grimes donné en ouverture de saison, ce spectacle commençait par aveugler le spectateur avec des dizaines de projecteurs aveuglant le public de leur lumière blanche et crue. Les éclairages de Caty Olive sont d’ailleurs un des points problématiques du spectacle, laissant le plus souvent le plateau dans une pénombre désolée et désolante, oubliant d’éclairer les protagonistes. Choix assumé – nous sommes aux enfers ! – choix discutable.

Deux cages roulantes stylisées promenées dans le prologue, avec une reine en majesté, sanglée dans un sublime costume très Tudor ; un rectangle simulant une chambre-cage descendant des cintres à plusieurs reprises ; quelques voilages : voilà les seuls éléments venant ponctuer un espace scénique dépourvu de tout autre décor. Ces voilages permettaient des changements d’atmosphère fluides, subtils, élégants. Cela nous a valu deux belles images théâtrales saisissantes. Au moment de l’annonce du départ d’Enée, le voile tombe et le héros se retrouve dans le noir, face à un miroir. Plus réussie encore, la scène des sorcières, avec ses ombres chinoises tentaculaires et monstrueuses.

La chorégraphie d’Anne Lopez, le plus souvent réduite à quelques mouvements de bras stylisés, interprétés avec grâce par les membres du chœur, n’était alors pas pour rien dans ce moment fort. Le chœur, bien préparé, apporte à ce moment là un contrepoint plaisant mais trop policé.

Car l’ensemble Diderot apportait à la représentation un soutien inégal. Un manque de couleurs variées, de mordant, particulièrement dans cette scène des sorcières bien trop sage ; et surtout une omniprésence d’un clavecin médiocre joué sans inspiration ni grâce, trop sonore et peu en phase avec le style de l’œuvre.

Cela tient sans doute aux choix du chef, le violoniste virtuose Johannes Pramsohler. Dès qu’il saisit son instrument, les notes virevoltent, la musique respire et vit. Sa direction est moins convaincante, par ses choix esthétiques amenant à lisser les dissonances dont Purcell use avec tant de subtilité, mais aussi à choisir des tempos manquant parfois de dynamisme tout en affadissant les contrastes.

Sur le plateau, la Belinda engagée de Daphné Touchais manquait de puissance et parfois de justesse. Romain Bockler campait un Enée de plus en plus en situation au cours de la représentation. C’est la Didon de Chantal Santon Jeffery qui emportait les suffrages, par sa présence, sa prestance, sa voix qui nous bouleversait dans la sublime mort de Didon.

Un spectacle inégal dont il reste quelques beaux moments, hors du temps.


Les artistes

Didon : Chantal Santon Jeffery 
Enée : Romain Bockler
Belinda : Daphné Touchais 
Ensemble Diderot – Violon et direction : Johannes Pramsohler
Mise en scène : Benoît Bénichou

Le programme

Didon et Énée

Opéra tragique en trois actes de Henry Purcell, livret de Nahum Tate, créé à Chelsea, école pour jeunes filles de Josias Priest en 1689 (?)

Représentation du vendredi 22 avril, Opéra d’Avignon.