Les festivals de l’été – Aix-en-Provence, des Noces à la fête !

Crédit photos : ©  Jean-Louis Fernandez

Renouveler ce chef-d’œuvre si connu sans trahir son auteur : défi relevé avec brio

Cette nouvelle production du Festival est une réussite absolue ! Tout est parfait de bout en bout. La mise en scène endiablée de Lotte de Beer nous entraîne au cœur des années 80 dans une féérie de couleurs et de clins d’œil que n’aurait pas reniée Mozart, lui-même connu pour son tempérament farceur et espiègle. On oscille entre comédie burlesque et tragédie cornélienne. Le public rit à gorge déployée aux effets comiques et caricaturaux mais toujours sans vulgarité. Les trouvailles des décorateurs qui juxtaposent les décors à la manière d’une sitcom américaine, laissant voir la Comtesse faisant sa gymnastique matinale dans sa chambre dès le premier acte tandis que le Comte et Figaro se disputent les faveurs de Susanna dans le salon et que celle-ci s’adonne à ses tâches de femme de chambre dans la buanderie. Des panneaux lumineux indiquant « Applause » et « Laughter » accentuent la complicité avec le public.

Le parti pris de Lotte de Beer de mettre l’accent sur l’inégalité homme-femme est né du phénomène Metoo. L’intrigue des Noces où le Comte Almaviva souhaite restaurer et user de son droit de cuissage sur la belle Susanna est totalement en adéquation avec la dénonciation des abus de pouvoir des hommes sur les femmes dans certaines sphères de la société et tellement d’actualité ! Mais tout cela est fait sans militantisme déplacé, avec finesse et humour, la mise en scène usant de la caricature pour mieux souligner le « combat » de la Comtesse et de Susanna et même celui de Cherubino qui refuse sa condition de jeune garçon qui doit obligatoirement entrer dans l’armée pour devenir un homme (et aussi pour l’éloigner de sa trop belle marraine, le Comte bien que frivole, est très jaloux).

Côté voix, Julie Fuchs en Susanna emporte l’adhésion totale du public, tant pour la pureté et la justesse de son interprétation vocale que pour son jeu de scène pétillant qui donne un rythme fou à toutes ses scènes. Le rôle semble écrit pour elle.
La chaleureuse voix de baryton-basse de Andrè Schuen campant un Figaro plein de fougue maîtrisant mal ses sentiments mais fidèle et sincère souligne la complicité avec Julie Fuchs dans leurs duos.
Gyula Orendt est un Comte Almaviva fringant et désinvolte mais tendre à la fois. Sa demande de pardon auprès de sa femme lors du dernier acte est un instant unique où le temps semble suspendu. Cette prière donne des frissons tant G. Orendt nous fait partager les sentiments d’amour et de contrition du Comte. L’émotion est à son comble.
Jacquelyn Wagner dans le rôle de la comtesse nous offre une prestation très propre vocalement. Cependant on aurait aimé plus d’émotion dans la cavatine du second acte « Porgi, amor, qualche ristoro » où elle dit sa douleur de ne plus être aimée par son époux comme au premier jour.
Léa Desandre est un merveilleux Cherubino, elle en a le physique fluet, et exprime parfaitement ses maladresses, ses emportements, ses peurs. La voix est claire et assurée, pleine de nuances, au timbre velouté, la diction parfaite. Comme l’ensemble de la distribution qui rend le sur-titrage presque superflu.
Le rôle de Marcellina était tenu par la mezzo italienne Monica Bacelli qui s’est taillé un franc succès dans l’air du dernier acte « Il capro e la capretta » superbement interprété. Sous l’aspect sage et caricatural d’une Miss Marple toujours avec un tricot en cours, elle convertit les chœurs à sa passion colorée qui se transforme en costumes farfelus pour la noce finale.

Le Balthazar Neumann Ensemble était placé sous la baguette de Thomas Hengelbrock et les chœurs étaient assurés par le Chœur du CNRR de Marseille (Conservatoire). Les jeunes chanteurs et chanteuses aux voix déjà bien matures et travaillées mais conservant la fraîcheur et la fougue de la jeunesse s’intègrent magnifiquement à la mise en scène et apportent un souffle revigorant pour l’avenir de l’opéra qui est ainsi assuré.

Les artistes

Figaro   Andrè Schuen
Il Conte Almaviva   Gyula Orendt
Il Dottor Bartolo Maurizio Muraro
Don Basilio / Don Curzio   Emiliano Gonzales Toro
Barbarina   Elisabeth Boudreault
Antonio   Leonardo Galeazzi
Cherubino   Léa Desandre
La Comtessa AlmavivaJacquelyn Wagner
Susanna   Julie Fuchs
Marcellina   Monica Bacelli

Balthazar Neumann Ensemble, Chœur du CNRR de Marseille, dir. Thomas Hengelbrock
Mise en scène  Lotte de Beer

Le programme

Le Nozze di Figaro

Opera buffa en quatre actes de de Wolfgang Amadeus Mozart,  livret de Lorenzo da Ponte d’après Beaumarchais, créé le 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne.

Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, théâtre de l’Archevêché. Représentation du lundi 5 juillet 2021.