Les festivals de l’été –
Ottavio plus : un concert Andreas Scholl/Ottavio Dantone pour refermer les 49e Festwochen der alten Musik d’Innsbruck

Purcell et Händel sont à l’honneur dans le dernier concert des Festwochen der alten Musik 2025, où Andreas Scholl et Ottavio Dantone ont conquis le public.

Deux compositeurs anglais, parmi les plus grands de l’époque baroque, ont été à l’affiche du concert final des Semaines de musique ancienne d’Innsbruck. L’un, Henry Purcell, est né à Londres en 1695 ; l’autre, né dix ans plus tôt à Halle, était citoyen britannique depuis 1727, année où Georg Friedrich Händel devint George Frideric Haendel…

Sur la scène légèrement grinçante de la somptueuse salle espagnole du château d’Ambras, Ottavio Dantone, directeur musical du festival, et Andreas Scholl, contre-ténor de haute renommée, prennent place au clavecin. Deux grands spécialistes du répertoire du XVIIIe siècle se retrouvent pour la deuxième fois pour une soirée de musique de chambre, à la veille de la finale du Concours Cesti.

La première section du concert est dédiée à Purcell, dont on entend le « If music be the food of love », sur un poème de Henry Heveningham, d’après une réplique de Shakespeare : les joies de l’amour musical sont exprimées par la tendre mélodie d’un arioso qui suit un bref récitatif. Tiré de la musique d’Œdipe, King of Thebes, « Music for a While », un song sur des vers de John Dryden, célèbre le pouvoir apaisant de la musique : « Music for a while shall all your cares beguile » ; et le timbre doux de Scholl ainsi que l’accompagnement exquis de Dantone confirment pleinement cette affirmation.

© Marco Borggreve

Dryden est également l’auteur de « Fairest Isle », tirée du semi-opéra King Arthur, où la page  est chantée par la déesse Vénus à la gloire de l’île anglaise. Le contre-ténor y déploie une ligne de chant d’une grande beauté. La page suivante est célèbre : la mélodie délicate « Sweeter than Roses », sur des vers de Richard Norton est extraite de Pausanias, the betrayer of his country

Sur un plan spirituel, « Now that the Sun hath veiled his light », un « hymne du soir » de l’évêque William Fuller, est une invitation apaisante à la prière pendant les heures de repos. 

La Suite n° 2 en sol de 1696 et la Suite n° 7 en ré sont les pièces instrumentales choisies par Dantone pour reposer la voix de Scholl. Les quatre mouvements de la Suite n° 2 démontrent la maîtrise de l’interprète, qui souligne la mélancolie du deuxième mouvement (Almand) avant de se laisser aller au rythme dansant du quatrième (Sarabande) avec un jeu d’une grande fluidité.

Le dernier morceau de la première partie est le très célèbre « Cold song » (« What power art thou »), toujours extrait de King Arthur, où le chanteur rend avec virtuosité les tremblements et les bégaiements du Génie du froid réveillé par Cupidon.

Décédé à seulement 36 ans, Purcell laissa le champ libre à Händel, dont la Suite n° 5 en mi majeur, HWV 430, est au programme de la deuxième partie du concert. Lui-même formidable claviériste, Haendel avait défié Scarlatti lors d’un concours de virtuosité lors de son séjour à Rome chez le cardinal Ottoboni, et le résultat fut un match nul : l’Italien l’emporta au clavecin, le Saxon à l’orgue… Le recueil de huit « pièces pour clavecin » fut imprimé à Londres en 1720, et celle en mi majeur est en cinq mouvements, qui semblent condenser l’esprit musical de l’époque : après le bref Prélude, la rigoureuse Allemande et la Courante pleine de vivacité, le quatrième mouvement est constitué d’un Air en cinq variations sur un thème intitulé « le forgeron harmonieux », qui connut un grand succès en tant que pièce indépendante au XIXe siècle. Dantone traduit le crescendo des variations de façon surprenante, avec un goût et une technique remarquables, culminant au paroxysme de la quinte avec des envolées rapides de triples croches. Une interprétation qui a enthousiasmé le public !

Dans son rôle d’accompagnateur de luxe, le chef d’orchestre rejoint à nouveau le chanteur pour  deux cantates composées par Händel en Italie dans les années 1707-08 : la première, « Nel dolce tempo » HVW 135b, à Naples ; 

© Giulia Papetti

la seconde à Rome : « Vedendo amor » HVW 175. Plus encore que chez Purcell, Scholl fait ici une démonstration de sa technique d’interprétation très pointue, où les sons filés, les trilles infiniment soutenus et les changements de registre sont au service d’une expressivité raffinée.

La deuxième cantate est particulièrement surprenante, avec ses quatre récitatifs entrecoupés de trois airs, dont l’un, « Camminando lei pian piano », évoque des souvenirs précis chez l’auditeur : il s’agit en effet de la première ébauche d’un air qui deviendra l’un des plus célèbres de Jules César en Égypte : « Va tacito e nascosto ». Et c’est précisément cette pageque le chanteur offre au public à la fin de ce concert mémorable.

Ainsi se termine l’édition 2025 des Festwochen der alten Musik, qui fêtera l’année prochaine ses 50 ans.

Per leggere questo articolo nella sua versione originale in italiano, cliccare sulla bandiera!