SCHUBERT, HAYDN, MOZART, TCHAÏKOVSKI au Théâtre des Champs-Élysées, avec Maxim Emelyanychev et Sabine Devieilhe

Ceux qui attendaient un concert Sabine Devieilhe (attente renforcée par le programme papier qui présente en couverture une belle photographie de la chanteuse) auront peut-être été déçus : la soprano n’aura chanté en tout et pour tout qu’une quinzaine de minutes (plus un bis…) au cours de la soirée… dont le programme était fort alléchant : je me faisais une grande joie d’entendre la 8e de Schubert, la 45e de Haydn et le Roméo et Juliette de Tchaïkovski !
Première constatation : l’Orchestre National de France était en grande forme (hormis quelques imprécisions dans Schubert…). Et nous étions très excités à l’idée de découvrir Maxim Emelyanychev, ce jeune chef à la renommée montante, ex-élève du grand Guennadi Rojdestvenski. Indéniablement, Maxim Emelyanychev a de l’énergie et de la vitalité à revendre. Pourtant, tout au long du concert, me revenait cette mise en garde de mon professeur d’art dramatique : « Précipitation ne veut pas dire mouvement… » J’en veux pour mémoire les réactions de mon voisin de concert, maugréant avec lucidité à plusieurs reprises : « Mais quel excité ! » Ce chef fougueux (trop ?) fut très applaudi, ce qui n’est que justice, car il est enthousiaste et réellement talentueux.

Pourtant, si les mouvements vifs des deux symphonies ont séduit par leur vitalité, les mouvements lents ont quant à eux déçu : l’Adagio des Adieux, magnifique cantilène, a même parfois semblé quelque peu soporifique… Avec Tchaïkovski, Emelyanychev nous a semblé beaucoup plus dans son élément, quoiqu’il m’évoqua plus les débordements d’un Carlos Païta que le lyrisme d’un Rojdestvenski, justement, mais ce ressenti est subjectif… L’Orchestre National de France, lui, était d’une superbe homogénéité et ses solistes, de très haute volée.

Le plus troublant fut peut-être une direction d’orchestre assurée depuis le clavecin, pour Haydn et Mozart – même si c’était bien sûr l’usage au XVIIe siècle et lors de la première moitié du XVIIIe siècle ; par la force des choses, le chef tournait donc le dos au public. Ce qui impressionnait, c’était qu’au plus fort de la musique (Menuet & Presto de Haydn notamment), il faisait des bonds et de violents mouvements de tête, qui n’apportaient rien à la musique (mais certainement quelques contusions au clavecin, sur lequel Maxim Emelyanychev replaquait ses doigts violemment !)

Enfin vint le moment tant attendu, l’intervention de Sabine Devieilhe pour l’Exsultate, Jubilate de Mozart. Subjugué comme tant d’autres par cette cantatrice dans Lakmé, j’étais donc ravi et ému de la retrouver. Le talent et l’expressivité de Sabine Devieilhe ne sont plus à démontrer et sa voix cristalline nous emmène toujours sur les cimes… Pourtant, à deux reprises, dans cet ouvrage très fréquenté, elle nous parut en petite forme, avec un filet de voix parfois au bord du blocage… Les aléas du direct, certes, mais avouons notre petite déception, effacée, il est vrai, par le ravissant bis offert par la soprano, une mélodie avec orchestre de Richard Strauss.

Bravo à l’Orchestre National de France pour ses nombreuses qualités et ses non moins impressionnantes capacités d’adaptation. Nous avons hâte de retrouver Sabine Devieilhe dans un programme plus conséquent où, nous n’en doutons pas, elle saura de nouveau nous enchanter. Et nous suivrons avec attention et intérêt la carrière de Maxim Emelyanychev à qui il suffira sans doute d’un soupçon de contrôle supplémentaire pour qu’il entre dans la cour des Grands de la Direction d’orchestre !

Les artistes

Orchestre National de France, dir. Maxim Emelyanychev
Sabine Devieilhe, soprano 

Le programme

Schubert  Symphonie n° 8 D. 759 « Inachevée »
Haydn  Symphonie n° 45 Hob. I: 45 « Les Adieux »
Mozart  Exsultate, jubilate, motet K. 165
Tchaïkovski  Roméo et Juliette, ouverture