Salle Gaveau : un violon et un piano pour “chanter” les femmes compositrices, avec Raphaëlle Moreau et Célia Oneto Bensaid

Nous avons passé un agréable moment musical dans l’intimité de la salle Ravel, à Gaveau. Un public choisi, peut-être trop choisi, a applaudi avec enthousiasme les notes de quatre compositrices encore malheureusement peu connues du paysage musical européen de la première moitié du XXe siècle : l’autrichienne Henriëtte Bosmans, la virtuose polonaise Grazyna Bacewicz, la croate Dora Pejacevic et la française Marguerite Canal. Le concert était l’occasion de présenter la sortie du disque Duelles (chez Mirare) de deux jeunes et talentueuses interprètes, la violoniste Raphaëlle Moreau et la pianiste Célia Oneto Bensaid.

Les artistes ont présenté elles-mêmes avec humour chaque morceau par des brefs moments explicatifs entre les exécutions. En suivant exactement la même succession du disque, le concert a débuté avec la Sonate pour violon et piano d’Henriëtte Bosmans. Composée en 1918, cette œuvre exprime une certaine nostalgie rétrospective des formes traditionnelles, dans un style qui nous fait penser aux atmosphères de certaines sonates de Johannes Brahms. Suivait le bref Kapryz n. 3 de Grazyna Bacewicz (1930), qui se présente musicalement comme une polonaise rapide et virtuose. Un passage vers l’est de l’Europe qui, de la Pologne, descend vers la Croatie, sur les notes de la plus originale des compositions présentées : la Sonate pour violon op. 43 de Dora Pejacevic. Un vrai petit chef d’œuvre qui devrait figurer au répertoire des grands artistes, où l’originalité d’écriture s’unit à une réelle inspiration mélodique.

La dernière partie du concert présentait à nouveau un bref morceau virtuose de Grazyna Bacewicz, l’endiablé et très applaudi Oberek n. 1 (1951), suivi de la Sonate pour violon et piano de la compositrice Grand-Prix de Rome Marguerite Canal, composée en 1925 et dont l’écriture se ressent avec évidence de l’influence des sonates pour violon et des mélodies de Fauré, à laquelle s’ajoutent des résonances debussystes.

Doté d’une excellente maîtrise technique et d’un beau caractère sonore, le jeu de Raphaëlle Moreau convainc par le sens du cantabile, une excellente justesse et la compréhension des différentes atmosphères évoquées. Mais la force émotionnelle des sonates nous l’avons ressentie plutôt dans l’entrainant et fougueux apport expressif de la pianiste Célia Oneto Bensaid, dont la performance nous a littéralement conquis. Nous avons été enchantés par le sens du contrepoint et la dextérité technique, ainsi que par la capacité rare de faire pleurer le piano de cette artiste. Deux bis ont conclu la soirée : la Sérénade espagnole de Cécile Chaminade, entrainante et virtuose dans l’arrangement pour violon et piano de Fritz Kreisler, enfin le délicieux Nocturne de Lili Boulanger nous a mis dans les meilleures dispositions pour rentrer tous chez nous avec le cœur plein d’images de rêve.

Espérons maintenant que, dans les si nombreux concerts dorénavant consacrés aux compositrices, certains nous fassent découvrir les œuvres vocales (mélodies, lieder, cantates) d’Henriëtte Bosmans, Grazyna Bacewicz, Dora Pejacevic et Marguerite Canal.

Les artistes

Raphaëlle Moreau, violon

Célia Oneto Bensaid, piano

Le programme

Œuvres d’Henriëtte Bosmans, Grazyna Bacewicz, Dora Pejacevic et Marguerite Canal.