Juliette Journaux fait chanter son piano au Musée de la Vie Romantique

C’est un concert à la fois superbe et très original qui a eu lieu lundi soir au Musée de la Vie Romantique : la pianiste Juliette Journaux y présentait son premier album Voyage sans parole, très prochainement disponible, dont elle a interprété de larges extraits. Un concert instrumental, mais auquel Première Loge a assisté et dont nous sommes heureux de rendre compte – tant il a à voir avec le chant…

L’idée qui sous-tend le programme du concert est très séduisante : Juliette Journaux a choisi de faire entendre des transcriptions pour piano de différents lieder mais aussi d’un extrait de Siegfried (la superbe première scène du troisième acte, où se font entendre quelques-uns des plus beaux motifs du Ring). Des transcriptions signées Franz Liszt… ou remarquablement élaborées par la pianiste elle-même. L’auditoire a eu ainsi la sensation d’être plongé dans un salon musical tel qu’il en existait au XIXe siècle, d’autant que le musée occupe comme l’on sait l’ancienne demeure du peintre romantique Ary Scheffer et que toutes les pages interprétées lors de ce concert appartiennent au romantisme allemand – pour peu qu’on considère la musique de Mahler comme un avatar tardif, pour ainsi dire crépusculaire de ce mouvement esthétique.

document.addEventListener('DOMContentLoaded', function() {(tarteaucitron.job = tarteaucitron.job || []).push('youtube');});

Schubert/Liszt : Der Wanderer

Juliette Journaux, aussi à l’aise avec les mots qu’avec les notes, a expliqué avant de s’installer au piano la teneur son projet, lequel consiste à faire entendre l’errance de l’homme romantique, un Wanderer cheminant inlassablement sans nécessairement atteindre son but, parfois même sans que son cheminement ait un but précis, reconnu. En ce sens, choisir de conclure le concert par une transcription de « Ich bin der Welt abhanden gekommen » est une superbe idée, à la fois signifiante et hautement poétique : après un voyage qui nous aura conduit en terres schubertiennes et wagnériennes, le temps semble s’arrêter et se diluer, la silhouette du Wanderer se faisant évanescente pour se dissoudre progressivement alors que meurent les derniers accords suspendus du piano, dans le silence d’une salle particulièrement recueillie. Entretemps, Juliette Journaux (qui est aussi cheffe de chant et accompagnatrice) aura littéralement fait parler et chanter son piano, apportant une nouvelle fois la démonstration que le discours musical, pourtant dépourvu de toute référentialité explicite, peut se montrer tout aussi éloquent que le mot, en disant autre chose que les paroles ; peut-être plus que les paroles ; et dans tous les cas autrement que les paroles.

Ne refusez pas l’invitation à ce « voyage sans parole », d’autant que le programme du CD, à paraître chez Alpha, comporte, en plus des pages interprétées ce soir au Musée de la Vie Romantique, la dernière section de l’ « Abschied » du Chant de le terre : nul doute que l’art de Juliette Journaux en distillera  au mieux l’intense poésie et la brûlante nostalgie. 

L’artiste

Juliette Journaux, piano

Le programme

Œuvres de Schubert, Wagner et Mahler (transcriptions pour piano de Franz Liszt et Juliette Journaux)

Concert du lundi 02 octobre 2023, Musée de la Vie Romantique (Paris)