Magnifique clôture du cycle « Femmes compositrices » aux Invalides, avec LE CONSORT et EVA ZAÏCIK

Jeudi 30 mars a eu lieu, en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, le concert de clôture du cycle « Femmes compositrices » s’inscrivant dans le cadre de la Saison musicale des Invalides. C’est cette fois-ci l’ensemble Le Consort qui officiait, avec la participation de la mezzo Eva Zaïcik (des artistes qui ont récemment fait paraître un très beau CD consacré à Händel : Royal Händel, chroniqué ici par Sabine Teulon-Lardic).

La plus belle surprise de ce concert réside peut-être dans le choix des pages interprétées. Soyons honnêtes : dans l’actuelle et stimulante frénésie de (re)découvertes d’inédits de toutes sortes, de toutes époques et de tous styles, certaines œuvres ressuscitées présentent parfois un intérêt tout au plus musicologique. Rien de tel ici : la cantate de Barbara Strozzi (1619-1677) « Ho che Appolo è a Theti in seno » présente une noblesse de ton absolument superbe ; les Sinfonie de Giovanni Battista Reali (1681-1751, un contemporain de Vivaldi, une absolue découverte pour nous !) sont enthousiasmantes de dynamisme, de virtuosité et d’émotion ; les arie de Maria Teresa Agnesi (1720-1795) sont magnifiques dans leurs tonalités post-baroques /pré-classiques, avec, pour la seconde (« Afflita e misera », où le violoncelle évoque poétiquement les battements du cœur de la femme blessée), des couleurs nettement pré-mozartiennes. Magnifique programme, que viennent compléter des pages plus attendues mais néanmoins superbes de Vivaldi et Bach.

Théotime Langlois de Swarte, Sophie de Bardonnèche, Justin Taylor, Louise Pierrard, Hanna Salzenstein. (© Première Loge)

Dès les premières mesures de la Sonata prima en sol mineur de Vivaldi, le ton est donné, et l’on sait que ce concert sera non pas l’occasion pour chaque musicien de faire valoir ses qualités propres, mais de dialoguer et de construire ensemble un discours éminemment cohérent et poétique (n’est-ce pas là du reste l’étymologie même du mot concert, emprunté au verbe concertare, « se concerter » ?). Les musiciens s’écoutent, se regardent, se répondent avec une complicité de tous les instants – et une jubilation communicative. Et lorsqu’Eva Zaïcik paraît, loin d’être la diva accompagnée par Le Consort, elle se fond elle-même dans l’ensemble, faisant de sa voix un instrument de plus venant apporter son concours, ses couleurs propres et sa sensibilité au discours musical. Du grand art ! Si la ligne musicale du violon de Théotime Langlois de Swarte est souvent mise en valeur et « saute aux oreilles » (quelle virtuosité ébouriffante, mais aussi quelle sensibilité, quelle émotion dans le jeu de celui qui brille aussi actuellement  en tant que chef d’orchestre à l’occasion des représentations du Bourgeois gentilhomme à l’Opéra Comique !), on ne doit pas pour autant en oublier la remarquable capacité de Sophie de Bardonnèche à dialoguer avec lui, la précision et la musicalité de Louise Pierrard à la viole de gambe, la virtuosité toujours expressive d’Hanna Salzenstein, ni le clavecin si expressif de Justin Taylor, particulièrement remarquable dans le larghetto du  Concerto en ré majeur de Bach.

Quant à la voix d’Eva Zaïcik, elle rallie une fois de plus tous les suffrages… Plus encore que la qualité du timbre, d’une homogénéité rare (avec des graves sonores sans qu’il soit besoin de poitriner exagérément), c’est l’adéquation stylistique et surtout la sobriété expressive que l’on apprécie le plus, la chanteuse trouvant toujours le ton juste, l’accent précis, l’inflexion qui permettront de faire naître une émotion d’autant plus forte qu’elle évite soigneusement toute exagération et toute faute de goût.

© Première Loge

Eva Zaïcik, le Consort : avec une telle affiche, on savait bien sûr que la qualité serait au rendez-vous. Mais s’attendait-on à une telle émotion ? Certes non ! Il serait criminel de ne pas pérenniser ces superbes moments musicaux, et de ne pas les partager avec ceux qui n’auront pas eu la chance d’assister à ce concert. En d’autres termes : un CD s’impose !!

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HANDEL, Giulio Cesare in Egitto HWV 17: Aria « L’aure che spira », Eva Zaïcik & Le Consort

Les artistes

  • Eva Zaïcik, mezzo-soprano
  • Le Consort
  • Justin Taylor, clavecin

Le programme

  • Vivaldi Sonata prima en sol mineur
  • Leonarda : Sonata prima a piu strumenti
  • Strozzi :  Hor Che Apollo è a Theti in seno, Cantata pour soprano ; Costume de grandi ; La vendetta
  • Reali : Sinfonia X (Capriccio) en la majeur ; Sinfonia XII (Folia)
  • Agnesi : Non piangete, Aria pour mezzo-soprano
  • Reali : Sinfonia IV (Capriccio) en  majeur
  • Agnesi : Afflita e misera, Aria pour mezzo-soprano
  • Bach : Concerto en  majeur, Extr. Larghetto
  • Vivaldi : Follia, Sonate n°12 en  mineur

Bis : air de Sesto : « L’aure che spira » (Giulio Cesare, Händel)