Condensé de l’opéra-ballet Les Éléments de Destouches et Lalande par l’ensemble Les surprises aux Invalides

Le musée de l’Armée aux Invalides s’attache à ce que sa saison musicale fasse écho à l’actualité des expositions qu’il présente, ou avec les commémorations qui peuvent leur être associées. Ainsi le trois centième anniversaire de la mort de Watteau a-t-il invité l’institution à présenter un condensé de l’opéra-ballet Les Élements écrit à quatre mains par Delalande et Destouches et créé en cette année 1721, confié à Louis-Noël Bestion de Camboulas et l’ensemble Les surprises, qui en avaient réalisé un enregistrement discographique il y a quelques années, édité par le label du Festival d’Ambronay. Cette réduction à trois solistes et au format florilège s’inscrit dans la continuité des pratiques de l’époque, pour contribuer à la diffusion des œuvres nouvelles.

L’inspiration de la nature, comme la forme à entrées, étaient à la mode en ce début de dix-huitième siècle, pour nourrir une veine allégorique puisant dans la mythologique gréco-latine, et une dialectique entre les puissances de Mars et de Vénus. Mais c’est aussi une œuvre où les mouvements de danse constituent une part essentielle d’un divertissement aux tonalités pastorales à la création duquel le jeune roi Louis XV participa directement – dans la tradition où le souverain était un danseur accompli, à l’image de son prédécesseur et aïeul Louis XIV. Sous la direction alerte et calibrée de Louis-Noël Bestion de Camboulas, les musiciens des Surprises font ressortir les coloris et les rythmes idiomatiques d’une partition qui témoignent de l’évolution de l’opéra français. L’héritage de Lully revisité par Campra s’y entend, tandis que le cisèlement de l’orchestration et de l’harmonie annonce parfois Rameau.

En prologue aux quatre parties consacrées tour à tour à chacun des éléments, Le chaos fait entendre un dramatisme pittoresque prolongé par la solennité de l’intervention du Destin et de Vénus, avant le contraste entre le moelleux des cordes de la Sarabande et les castagnettes syncopées des Menuets, et le retour du motif de l’Ouverture, selon l’usage consacré. L’entrée L’eau cède davantage, à l’occasion, à un style plus galant, dans le duo entre Doris et Leucosie, comme dans l’air de cette dernière, « La mer était tranquille ». On retrouve le sens des effets dans la Tempête et l’intervention de Neptune, avant une belle séquence chorale et, parfois, polyphonique, « Qu’à nos sons éclatants », associées à des chatoiements chorégraphiques dignes d’un Rameau.

Avec l’Air pour les Heures, l’entrée emprunte un ton plus bucolique, parfaitement restitué par les flûtes et la pulsation de la basse continue, que ne démentiront ni le duo entre une Heure et Junon, ni les numéros dansés. Le sens des ruptures hautes en couleurs se retrouve dans la troisième entrée, Le feu. L’allure aimable des premières séquences bascule avec les bourrasques consécutives à la rupture de vœu d’une vestale, avant l’apaisement d’une réconciliation, sans jamais renoncer à la grâce et la fluidité de l’invention mélodique, que l’on retrouve dans la dernière entrée, La terre, églogue qui se referme sur une Chaconne rayonnante dont les variations s’appuient sur les saveurs des timbres instrumentaux.

Outre la qualité des pupitres déjà mentionnés, les trois solistes se révèlent complémentaires au fil des intrigues condensées. Le babil fruité des deux sopranos, Eugénie Lefebvre et Jehanne Amzal, se répondent face au baryton robuste d’Étienne Bazola, non dénué de certains accents de rudesse, lorsque les situations dramatiques l’exigent. Réduction de chambre mais expressivité maximale pour ces Élements, à l’intérêt historique aussi significatif que l’authentique plaisir que procurent son écoute et sa redécouverte.

Les artistes

Eugénie Lefebvre : soprano
Jehanne Amzal : soprano
Étienne Bazola : baryton

Louis-Noël Bestion de Camboulas : clavecin et direction musicale

Le programme

Les Éléments

Opéra-ballet de Michel-Richard de Lalande et André Cardinal Destouches (extraits), livret de Pierre-Charles Roy, dansé au Louvre par le Roi  le 22 décembre 1721, puis donné à l’Académie Royale de Musique le 29 mai 1725.

Cathédrale Saint-Louis des Invalides, Paris, concert du 23 novembre 2021