Carnet de bord du 42e festival d’Ambronay (3/3)

Crédit photos : © Bertrand Pichène

Découvrir de talentueux ensembles baroques européens au 42e Festival d’Ambronay

Le 42e Festival d’Ambronay s’étale sur 4 week-ends dans l’abbatiale de ce bourg du Bugey (Ain). Fondé en 1980 par une association de bénévoles, le festival de musique ancienne s’appuie sur l’engouement du public pour la musique « baroque ». Couvrant la musique instrumentale profane, religieuse et lyrique, il bénéficie avec l’abbatiale bénédictine (Moyen-âge) d’un écrin patrimonial à l’acoustique célébrée par les chefs de toute génération, de William Christie à Leonardo Garcia Alarcon. Il s’est progressivement orienté vers la formation de jeunes ensembles européens (Académie baroque européenne depuis 1993) et leur promotion via le programme européen EEEmerging+, depuis sa labellisation de Centre Culturel de Rencontre en 2003. Si les fêtes populaires dans la rue ne peuvent se dérouler (Covid incompatibles) comme les précédentes éditions, les concerts dans l’abbatiale, les CD sous le label d’Ambronay éditions forment une rampe de lancement pour une pléiade d’ensembles qui ont pu émerger depuis les années 2000 (de Cappella Mediterranea à I Gemelli). L’atout réside également dans la proximité conviviale des artistes, bénévoles, publics (et critiques conviés), source d’échanges fructueux dans la cour ou au cloître.

La 3e journée festivalière du week end est aussi l’ultime du Festival d’Ambronay 2021. L’esprit de découverte est toujours à l’ordre du jour avec un concert interactif pour public « famille » et un autre conclusif dans l’abbatiale bénédictine. Des concerts tous « tuyautés » à plus d’un titre avec cette sélection pertinente d’EEEmerging+ et du directeur artistique du Festival !


Présentant la Revolution Recorder, les jeunes flûtistes à bec de l’ensemble britannique Palisander (bois de palissandre) se sont rencontrées lors de leurs études à la Royal Academy de Londres. Elles n’hésitent pas à se déplacer avec un instrumentarium de flûtes à bec de toute taille : de la sopranino à l’octobasse, plus haute que les musiciennes ! Praetorius en dénombrait bien une soixantaine dans son Traité du XVIe siècle. La richesse des couleurs (la douceur de la ténor) et des tessitures est un pur moment de plaisir, agrémenté de leurs propositions participatives avec le public (rythmes frappés sur l’air traditionnel anglais). Le plaisir des auditeurs de tout âge est augmenté par la variété des styles : de la jig irlandaise à la tarentelle napolitaine, de la Suite alpine de B. Britten au Rossignol de T. Merula (1595-1665). Le moment le plus ludique est sans conteste Articulator V, pièce de théâtre musical d’Agnès Dorwarth : la performance des trois flûtistes, soufflant, criant et esquissant une chorégraphie est d’une drôlerie bluffante ! Signalons le concours de la flûtiste italienne de l’ensemble Filobarocco (Maria Luisa Montano), remplaçant au pied levé l’une des quartettistes. Peut-on seulement regretter la fréquentation minimale de jeunes à ce concert dominical si interactif … le directeur musical du Festival avance le motif de l’instauration du passe sanitaire pour ados (30 septembre).

Bravant la pluie diluvienne de l’après-midi, les auditeurs convergent vers l’abbatiale pour le dernier concert de cette édition 2021. Sous les couleurs ibériques, More Hispano rassemble trois formations, dont deux promues par EEmerging+ : le quatuor vocal Cantoria, l’ensemble à vent Into the Winds. La 3e est le Choeur Avis aux amateurs, préparé par Pierre-Louis Rétat (à l’orgue) et intervenant pour quelques pièces. Le tout est conduit et animé par le charismatique ténor de Cantoria, Jorge Losana. Cette osmose entre amateurs et jeunes professionnels renoue non seulement avec les pratiques anciennes, mais ancre le Festival dans les fibres de son territoire.


Cantoria – une soprano, un alto, un ténor, un baryton-basse – revient pour la 4e fois à Ambronay, depuis sa prestation de 2018 :

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 La spécificité du programme More Hispano est d’explorer les Cancionere ibériques et italiens du XVIe siècle, tel le Cancionero de Palacio, transcrit au XIXe s. par F.A. Barbieri (compositeur de zarzuela). De ce répertoire foisonnant surgissent deux saynètes burlesques, dont Cantoria excelle à communiquer les effets descriptifs par les jeux syllabiques : El Toro (Cancionero de Medinaceli) et La Junta de Mateo Flecha (1481-1553). Aussi truculentes que La Bataille de Marignan de Janequin, l’une et l’autre bénéficient de la profondeur sonore d’Into the Winds : il restitue l’ambiance de tournoi sur saqueboute, hautbois et flûtes claironnants. Entre-temps, d’autres polyphonies vocales font alterner les solistes de Cantoria (lumineuse Inés Alonso) avec le chœur mixte en refrain : Sus, sus, sus de Bartomeu Carceres ou encore La Negrina de Mateo Flecha (maître de chapelle de l’infante de Castille). Chacune est pulsée par un percussionniste inventif et audacieux (Yula S.), jusque dans la variété des instruments (idiophones et membranophones).

Au Festival d’Ambronay, réinvestir le sacré et le profane est une mission accomplie via la découverte de jeunes ensembles créatifs qui n’ont pas dépéri pendant la crise sanitaire. En sus de l’émission que France Musique leur consacre ce 2 octobre (voir ci-dessous), certains profitent de résidences d’artistes au sein du dispositif EEmerging+, riche de 9 partenaires européens.

Podcaster et en savoir plus :

Les artistes

  • Ensemble Palisander : Lydia Gosnell, Caoimhe de Poor, Teresa Wrann, Maria Luisa Montano.
  • Ensemble Cantoria : Inès Alonso, Orion Guimerà, Jorge Losana, Valentin Miralles.
  • Into the Winds : Adrien Reboisson, Annabelle Guibeaud, Marion Le Moal, Rémi Lécorché, Yula S.

Le programme

  • « Recorder Revolution» : traditionnels écossais, anglais, italien, grec –   Merula –  J. Dowland – T. Young – A. Dorwarth –  J. Williams
  • More Hispano » : Cancionero del Duque de Calabria, Cancionero de Medinaceli, Cancionero de Palacio, Bartolomeu Carceres, Mateo Flecha