Cinéma – LUDOVIC – Le film évènement !

Présenté en avant-première le 3 décembre à l’UGC Ciné Cité Maillot, en attendant sa sortie nationale en salle le 21 janvier prochain, le film de René Paul Letzgus se présente non seulement comme l’expression d’un moment de la carrière et de la vie plus intime de l’un des plus grands noms de l’art lyrique actuel mais également comme un document important sur la quête d’authenticité que peut et doit poursuivre un ou une artiste d’opéra aujourd’hui.

Au commencement, il y a l’Italie et la vision de l’Art, qu’à la sortie de la pandémie – le film a été réalisé en 2023 -, au milieu de répétitions au Teatro alla Scala, Ludovic Tézier a l’appétit de partager avec sa famille dans les grands musées transalpins à nouveau ouverts ! Que ce soit devant des sculptures napoléoniennes ou un tableau de la Renaissance à la perspective impeccable, tout est bon chez Ludovic pour faire acte de pédagogie. On ne se refait pas : l’homme aime lire – beaucoup – et ne vit pas dans une tour d’ivoire, loin s’en faut !

L’ouverture sur le monde et, à travers lui, sur l’Autre est l’un des messages que véhicule, modestement, ce film qui, comme celui qui en est au centre, est d’une naturelle mais aussi lumineuse simplicité.

La lumière justement… Elle est présente d’emblée à travers la caméra de René Paul Letzgus qui filme magnifiquement la descente en voiture vers Le Rove – commune située entre l’Estaque et Ensuès-la-Redonne -, haut lieu de mémoire de Ludovic, pendant la période heureuse de l’enfance et de la première jeunesse.
C’est cette même lumière, dont sait si bien, sans doute, faire le plein un natif de Marseille, qui transparaît encore chez l’artiste, plus mûr, dans les conseils prodigués aux élèves de master-class – à Sartène, en particulier, où même l’accent parlé devient, soudain, lumineux ! – et, plus généralement, dans sa manière d’évoquer avec un collègue de travail – Jonas Kaufmann, Francesco Demuro, Ermonela Jaho – ou un chef d’orchestre, une inflexion particulière de la voix ( dans « Les Adieux de Wotan » en particulier mais aussi dans le duo Barnaba/Enzo de La Gioconda).

Bien sûr, dans un film tel que celui-ci où, face à l’œil de la caméra, l’homme et l’artiste se révèlent un peu plus, les origines remontent à la surface et c’est, soudain, le cher théâtre de la place Reyer, notre Opéra de Marseille, qui dresse soudain, derrière la silhouette charpentée de notre baryton national, sa si caractéristique architecture Art Déco, dans une pleine lumière crépusculaire. La référence est connue mais on réentend avec plaisir Ludovic parler de ses premiers pas dans ce théâtre, comme spectateur, lors d’une représentation de Parsifal qui, quelque part, décidera de son avenir professionnel. On est ému, à titre personnel, de l’entendre rappeler la personnalité de Cathie, volumineux Cerbère en charge de la surveillance de l’entrée des artistes et qui – pour lui, du moins ! -détournait le regard et le laissait souvent pénétrer, gratuitement, dans le Saint des Saints !

Mais, dans ce film, il y a bien davantage que la simple réminiscence de moments qui ont fait le Ludovic Tézier que les publics du monde entier viennent acclamer : il y a un individu qui, profitant de cet instant filmé, brise un peu plus l’armure et laisse entrer la caméra dans l’intimité de son domicile alsacien.
C’est donc tout naturellement qu’une grande partie du film nous parle de celle qui partage le quotidien de Ludovic : Cassandre Berthon, artiste lyrique et muse, conseillère et confidente, compagne des joies et des doutes… .
Sans doute, l’accès donné à l’œil pénétrant de la caméra n’a pas été chose aisé pour cette femme déterminée dans son pas, ses propos, mais discrète dans son savoir-être. C’est pourtant avec son entrée dans le champ du cinéaste que le film prend, soudain, une autre dimension : le regard pétillant de Cassandre Berthon, promené sur le quotidien de la vie d’artiste de son conjoint, apparaît comme une fontaine de jouvence, un regard neuf qui vient se poser, paisiblement, sur le compagnon de route et dont on sait, par ailleurs, qu’il a favorisé Tézier dans la découverte de pans entiers de sa personnalité d’artiste, comme le baryton aime à le rappeler dans l’échange avec le public qui suit la projection.
Avec Cassandre, Ludovic parcourt souvent des kilomètres, en voiture, après une représentation à l’issue de laquelle, forcément, l’adrénaline ne retombe pas avant plusieurs heures… et la caméra les suit, dans ces moments de l’après-match, comme elle s’introduit, furtivement, dans les coulisses, au moment d’entrer en scène ou de venir saluer.

Dans un film qui nous promène de Milan à Paris, en passant par Strasbourg, Aix-en-Provence ou Baden, on a plaisir à suivre la complicité jamais feinte de Ludovic avec ses collègues… au concert de Paris du 14 juillet, en particulier, dans un duo final de Thaïs, inoubliable et stratosphérique, aux côtés de la grande Ermonela Jaho… dont Cassandre se révèle être, face caméra, une fan absolue !
Parfois, au-delà de la seule complicité, une amitié se créée et Ludovic évoque tout particulièrement celle avec Jonas Kaufmann. Les images ne sont pas trompeuses : ces deux-là sont vraiment des compères et les derniers tuilages avant l’entrée en concert, dans le duo de Gioconda, sont absolument désopilants et valent le détour !

Dans une salle de cinéma pleine à craquer, dans laquelle on reconnait, outre Roselyne Bachelot, Anaïk Morel, Jérôme Boutillier… et Jonas Kaufmann, venu presque en voisin depuis l’Opéra Bastille où il chante Tosca en ce moment, le public se réjouit de pouvoir échanger, sous la conduite complice d’Alain Duault, avec le réalisateur et les deux interprètes principaux.
Il reste maintenant aux médias, au lectorat et à nous toutes et tous à parler avec conviction, passion et simplicité de Ludovic pour accompagner sa sortie nationale en salle, le 21 janvier prochain !

Retrouvez Ludovic Tézier en interview ici !

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Ludovic, documentaire musical de René Paul Letzgus, 100 min., 2025. Sortie nationale le 21 janvier 2026.