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LUCREZIA BORGIA à Florence : la consécration de Jessica Pratt

par Camillo Faverzani 16 novembre 2025
par Camillo Faverzani 16 novembre 2025
© Michele Monasta
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Lucrezia Borgia, Teatro del Maggio Musicale Fiorentino – Sala Grande, vendredi 14 novembre 2025

Retour à Florence du melodramma donizettien qui avait inauguré le premier Festival du Maggio Musicale Fiorentino.

Jessica Pratt : une prise de rôle qui s’inscrit dans l’histoire du titre et en constitue un jalon incontournable

Les accointances du public florentin avec Lucrezia Borgia sont très anciennes, puisque le melodramma donizettien est représenté dans la cité des Médicis, au Teatro della Pergola, dès le mois de novembre 1836, quelque trois ans après la création scaligère de décembre 1833. Plus récemment, l’œuvre a aussi été programmée pendant la première saison du Festival du Maggio Musicale Fiorentino, fin avril 1933. Absente depuis presque un demi-siècle, elle avait été donnée pour la dernière fois l’hiver 1979, dans une distribution prestigieuse, affichant Leyla Gencer (en alternance avec Katia Ricciarelli) et Alfredo Kraus, sous la direction de Gabriele Ferro.

La prise de rôle de Jessica Pratt (les représentations prévues en octobre 2020 à Sydney avaient dû être annulées pour cause de pandémie) s’inscrit résolument dans l’histoire du titre et en constitue désormais un jalon incontournable. Dès l’aria di sortita de l’héroïne, le spectateur prend aussitôt conscience d’assister à un événement unique, grâce à la variété de la gamme chromatique et à des sons filés stratosphériques, dès le récitatif, puis à un legato d’exception, à des notes saccadées enivrantes, à une messa di voce époustouflante et à une ampleur de la ligne sans limites, dans le larghetto cantabile. La cabalette facultative, composée à l’intention de Giulia Grisi pour le Théâtre-Italien en 1840, n’est sûrement pas le plus bel exemple d’allegro écrit par Donizetti mais c’est l’occasion de déployer toute la virtuosité de la colorature de la cantatrice anglo-australienne, morceau de bravoure abordé sans réserve, dont des trilles inouïs et des notes piquées à couper le souffle témoignent d’une souplesse singulière, notamment dans l’ascension vers la partie haute du registre. Si sa conception du personnage suit quelque peu les pas de Joan Sutherland, c’est visiblement en lui conférant plus de corps, davantage de chaleur et une meilleure intelligence du texte. Sublime dans le duo avec Gennaro, elle tient la note à l’infini dans le finale du prologue, d’abord dans un decrescendo ahurissant, ensuite dans un crescendo torrentiel, débouchant sur des aigus mirobolants. Dans le duo de l’acte I avec son époux, annonçant Roberto Devereux, des notes plus graves enrichissent encore plus la palette d’une voix qui sait aussi merveilleusement s’assombrir. Le rondò final est un morceau d’anthologie : encore des notes filées à donner le frisson, dans le largo, relayées, dans le moderato, par d’autres aigus tranchants, les transitions vers le haut étant tout simplement prodigieuses. Face à une telle réussite, nous avons du mal à comprendre que Paris et la France se privent d’une artiste si talentueuse. Heureusement, elle retrouvera la duchesse de Ferrare à Liège, en avril prochain, à l’Opéra Royal de Wallonie. Un rendez-vous à ne pas manquer, absolument !!! Faute de mieux, un concert au Théâtre des Champs-Élysées serait également le bienvenu dans les mois à venir.

Une rare leçon de parfaite entente belcantiste

Chez René Barbera, aussi à ses débuts dans le rôle, elle trouve un partenaire remarquable. Si la voix du ténor américain semble légèrement voilée dans leur duo de l’acte I, son élocution est d’emblée magistrale et le chanteur rejoint une Lucrezia sublime dans une rare leçon de parfaite entente belcantiste. Très articulé, son Gennaro sonne angélique dans le trio avec le couple ducal, avant de se conjuguer au brillant majestueux de sa mère dans le duettino du finale I. Dommage alors que les morceaux alternatifs conçus pour Nicola Ivanoff ne se bornent qu’à l’arioso de la mort, au phrasé très dramatique.

Solide dans le duo avec Laura Verrecchia, elle aussi aux premières armes en Maffio Orsini, il établit un joli contraste avec la légèreté de l’émission de la mezzo italienne, notamment dans la strette. Abordant piano le larghetto de l’introduction, cette dernière manque quelque peu d’éclat, surtout lorsqu’on a en tête le rendu du personnage par les meilleures interprètes de la discographie, telles Marylin Horne ou Shirley Verrett. D’un bel accent, la ballade de l’acte II est néanmoins parfaitement énoncée.

Assez décevant, l’Alfonso de Mirco Palazzi, vétéran du rôle, paraît plutôt engorgé dans son air de présentation, fâché même avec la justesse dans la cavatine, la cabalette négociant mieux les passages vers l’aigu. Problèmes qui se renouvellent dans le duo avec son épouse, le parlando du trio lui convenant vraisemblablement davantage.

Des seconds rôles, ressortent le Liverotto bien projeté de Daniele Falcone et la belle basse de l’Astolfo de Huigang Liu.

Chef donizettien expérimenté, Giampaolo Bisanti aborde pour la première fois l’ouvrage. Si sa direction peut par moments se révéler assez brouillonne – les cuivres plutôt abrupts du prélude –, le chœur du Maggio est quant à lui bien vaillant, comme dans l’hymne à Venise de l’introduction.

Un spectacle bien rodé et nullement dérangeant

Pensée pour le Festival Donizetti de Bergame en 2019, la mise en scène d’Andrea Bernard a déjà été proposée dans d’autres théâtres (Reggio Emilia en 2019, Trieste et Plaisance en 2020). Comme le metteur en scène le rappelle lui-même dans le programme de salle, il s’agit d’une transposition dans l’Italie de l’après-guerre, au tournant des années 1940 et 1950. Elle se focalise sur la négation de la maternité et sur le dilemme cornélien entre amour et pouvoir. C’est ainsi que, pendant le prélude, le spectateur assiste à l’exposition d’un enfant, recueilli par des religieuses, tandis que le prologue vénitien se déroule dans le salon d’une sorte de club, lieu public rappelant les ACLI (Associations Chrétiennes des Travailleurs Italiens) de l’époque faste de la Démocratie Chrétienne, ce que la présence d’un curé viendrait corroborer. Sur le mur trônent deux affiches aux échos volontairement poujadistes : « Siamo pochi ma indecisi a tutto » (nous sommes peu mais indécis à tout). Suivis du mot « Libertà » en gros caractères. Libertas, justement : la devise de la Démocratie Chrétienne. Pendant la cavatine de Lucrezia, le plateau tournant nous mène soudain dans le passé, vers le souvenir du berceau de ce fils abandonné, dans une belle succession de portes en enfilade. Tandis que la cabalette nous restitue le présent et l’assemblée du début. Le finale du prologue reproduit, à l’arrière-plan, la célébration d’un mariage par un cardinal, aussitôt relayée par l’apparition du pape. Question de marquer la filiation de la duchesse, même si c’est Léon XIV que l’on voit, plus qu’Alexandre VI ; à moins que ce ne fût Pie XII.

Le duché de Ferrare pullule d’ailleurs d’hommes d’Église, le duc lui-même s’infligeant l’auto-torture du cilice et c’est sur un autel qu’est gravé le nom de famille de son épouse, devenant par la suite la risée des acolytes de Gennaro (Borgia/Orgia). Passe un pénitent portant une croix, à l’image des récentes commémorations d’outre-Atlantique, pour servir à la crucifixion d’Astolfo. Il est vrai que le duc de Ferrare était le vassal de l’État pontifical mais c’est plus à la fin du XVIe siècle que se pose la question de la restitution de ses territoires, malgré les conquêtes de César Borgia à ses frontières. D’ailleurs c’est peut-être à Rome que se déroule l’action, comme semble nous le dire le metteur en scène, la capitale ambiguë de la pénitence et de la corruption. Une pietà peinte par Giovanni Bellini orne le palais, présage de l’épilogue, cependant que, dans la chambre nuptiale, derrière un miroir, se reflète l’image factice d’une rencontre amoureuse.

À l’acte II, le chœur est entièrement composé de cardinaux, assistant à une séance d’acupuncture du pape, agrémentée des épanchements d’un encensoir. La fête chez la princesse Negroni est un prétexte à l’orgie tant ridiculisée précédemment, dans un mélange des genres qui ne vient que corroborer les relations équivoques entre Orsini et Gennaro, les deux amis s’étant auparavant passionnément embrassés sur la bouche. Lucrezia en papesse assiste enfin impuissante au sacrifice de son fils, des berceaux géants renversés signifiant la fin de tout espoir de retrouvailles.

Le public fait bon accueil à un spectacle bien rodé et nullement dérangeant. Applaudissements nourris pour tous les interprètes, pour le chef et pour les chœurs au rideau final. Triomphe incontestablement mérité pour Jessica Pratt.

——————————————————

Jessica Pratt : le bel canto au sommet ! Retrouvez notre interview de la soprano en cliquant ici !

 

Les artistes

Don Alfonso, duca di Ferrara : Mirco Palazzi
Donna Lucrezia Borgia : Jessica Pratt
Gennaro : René Barbera
Maffio Orsini : Laura Verrecchia
Jeppo Liverotto : Daniele Falcone
Don Apostolo Gazella : Gonzalo Godoy Sepúlveda 
Ascanio Petrucci : Davide Sodini
Oloferno Vitellozzo : Yaozhou Hou
Gubetta : Mattia Denti
Rustighello : Antonio Mandrillo
Astolfo : Huigang Liu
Un coppiere : Dielli Hoxha

Orchestra e Coro del Maggio Musicale Fiorentino, dir. Giampaolo Bisanti et Lorenzo Fratini

Mise en scène : Andrea Bernard
Décors : Alberto Beltrame
Costumes : Elena Beccaro
Lumières : Marco Alba

Le programme

Lucrezia Borgia

Melodramma en un prologue et deux actes de Gaetano Donizetti, livret de Felice Romani, créé au Teatro alla Scala de Milan le 26 décembre 1833.

Florence, Teatro del Maggio Musicale Fiorentino – Sala Grande, vendredi 14 novembre 2025.

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Mirco PalazziJessica PrattRené BarberaGiampaolo BisantiAndrea BernardLaura Verrecchia
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Camillo Faverzani

Professeur de littérature italienne à l’Université Paris 8, il anime le séminaire de recherche « L’Opéra narrateur » et dirige la collection « Sediziose voci. Studi sul melodramma » aux éditions LIM-Libreria musicale italiana de Lucques (Italie). Il est l’auteur de plusieurs essais sur l’histoire de l’opéra. Il collabore également avec des revues et des maisons d’opéra (« L’Avant-scène Opéra », Opéra National de Paris).

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