King Arthur de Purcell au TCE : comme un goût de joyeuse revanche

King Arthur, Paris, TCE, lundi 13 octobre 2025
« Vous vous souvenez de février dernier ?… Qui était là ?… 7 minutes et c’était fini ! » s’exclame, indigné, Hervé Niquet à son entrée en scène, en faisant allusion à l’annulation du Persée de Lully au TCE, suite à un départ d’incendie. Il explique alors que plutôt que de revenir jouer une tragédie, il a voulu déjouer le mauvais sort en offrant au public une œuvre plus légère, à l’intrigue de laquelle, avoue-t-il en souriant, il n’a jamais rien compris, mais qu’il joue depuis plus de 30 ans.
Intrigue compliquée alors ? Originale dirons-nous en tout cas, car dans le style propre au « semi-opéra » tel qu’est défini King Arthur, aucun des personnages principaux ne chante ! Les chants ne servent qu’à illustrer le propos, une ambiance, à gagner du temps sur des changements de scène ou décors mais l’intrigue n’avance que grâce aux acteurs « parlant ». Les chanteurs eux, incarnent des divinités, des esprits… Le poète Dryden signe ici son second livret destiné à exalter la ferveur nationale, après une première tentative qui ne connut pas vraiment le succès. Il revient alors à un mythe fondateur : le roi Arthur. Dans une intrigue mêlant action, surnaturel, et apparitions divines, Purcell fait valoir son talent de variété : des airs aux allures martiales, lyriques et méditatives, un air à boire à la joie communicative, des chœurs festifs, tout est là à la gloire de la perfide Albion ou « Britannia ». On retrouve aussi l’air distinctif “What power art thou ?”, plus connu sous le nom de “Cold Song”, tube international improbable grâce à Klaus Nomi, génial artiste de l’underground new-yorkais des années 70.
Hervé Niquet et son fabuleux orchestre le Concert spirituel entament la soirée avec la Musique pour les funérailles de la reine Mary. La direction fait alterner aussi bien une cadence toute martiale avec une tristesse pleine d’une royale dignité, avec des inflexions militaires assez grandioses et des musiciens au diapason.
Ceux-ci font montre d’autant de facétie que leur chef d’orchestre. Intrigue complexe ? On ne sait plus qui est qui ? Aucune importance ! Pour notre Roi Arthur, Niquet fait illustrer les airs par le chœur du Concert Spirituel : sous des parapluies, des pulls, en couple, ou en formation normale, on retrouve ici comme un ancêtre des comédies musicales. Les voix sont chaleureuses et l’ensemble présente un bel équilibre. Mieux encore, elles s’allient parfaitement à celles des solistes, et grâce à ce joyeux ensemble, le public a droit à des instants marquants : le fameux air à boire “Your hay it is mow’d… ol’ england” emporté par l’énergie du haute-contre Cyril Auvity est un moment des plus réjouissants !
Auvity, en grand forme, s’impose avec sa facilité naturelle à incarner un personnage, et une voix charnue sans perte ni d’agilité, ni de densité dans les aigus. Hélène Guilmette avec le lyrisme qu’on lui connaît entonne en particulier un très beau “Fairest Isle” avec juste ce qu’il faut de nostalgie. Floriane Hasler n’est pas en reste avec une voix d’une belle rondeur, tandis que son camarade Robin Tritschler s’amuse sur scène avec Auvity : ils se volent mutuellement les répliques, sous les encouragements de Niquet. Andreas Wolf impose un timbre de basse solennel et forme un beau trio vocal avec ses compères.
L’œuvre est réduite à son noyau musical, à savoir sans une bonne heure et demie de scènes non chantées. Niquet préfère illustrer chaque air avec des détails de mise en scène, comme des jeux de comédiens jaloux entre les chanteurs, ou des accessoires avec les pulls sortis pendant le fameux “Cold song”, ou encore des parapluies. Ainsi… pas grave si l’on n’y comprend rien : on s’amuse beaucoup ! De son côté, hormis quelques problèmes de justesse de la part de cuivres, l’orchestre fait preuve d’une belle cohérence d’ensemble et d’un entrain communicatif, venant faire oublier tous les Persée annulés du monde !
Hélène Guilmette, soprano
Floriane Hasler, mezzo-soprano
Cyril Auvity, haute-contre
Robin Tritschler, taille
Andreas Wolf, basse
Le Concert Spirituel, dir. Hervé Niquet
King Arthur
Semi-opéra en cinq actes d’Henry Purcell, livret de John Dryden, créé en mai ou juin 1691 au Théâtre de Dorset Garden de Londres.
Paris, Théâtre des Champs Élysées, concert du lundi 13 octobre 2025.