NAPLES CÉLÈBRE CARUSO !

Exposition et Musée Enrico Caruso à Naples.
À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance d’Enrico Caruso (25 février 1873), la Bibliothèque nationale de Naples a organisé plusieurs initiatives, dont deux méritent d’être mentionnées : l’inauguration du Museo Caruso et l’exposition Enrico Caruso nei documenti della Lucchesi Palli.

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Inauguré le 19 juillet dans la monumentale Sala Dorica du Palais royal, le Museo Caruso est le premier musée national consacré à l’un des plus grands ténors de tous les temps. Sous la direction de Laura Valente, il présente des animations en 3D, des plates-formes multimédias, des stations et des installations musicales et cinématographiques. Sa création a été rendue possible grâce à la donation de Luciano Pituello, un mélomane qui a consacré sa vie à la diffusion de la culture musicale italienne et qui, en 1977, a fondé l’association Museo Caruso – Centro Studi Carusiani à Milan, collectionnant gramophones, phonographes, disques anciens et d’innombrables enregistrements originaux.

Le Fonds Pituello est au cœur de la nouvelle installation qui comprend également des costumes de scène, des partitions originales portant les marques autographes de l’artiste et des aquarelles colorées qui, avec les caricatures dédiées aux grandes figures de la musique, confirment le talent artistique multiforme de Caruso.

Une autre initiative très intéressante est l’exposition Enrico Caruso nei documenti della Lucchesi Palli, qui s’est tenue au deuxième étage du Palais royal, dans les salles de la section Lucchesi Palli. Les commissaires sont Laura Bourellis, Cristina del Fiacco et Attilio Laviano. Inaugurée le 8 octobre 2023, cette exposition a rendu accessible au public, gratuitement, une partie du matériel déjà en possession de la bibliothèque, ainsi que d’autres documents récemment acquis. Le cœur de l’exposition est constitué de lettres, télégrammes, cartes postales et photos envoyés par Caruso à son ami Angelo Arachite et acquis par la Bibliothèque nationale en 1973. Sont également exposées de nombreuses caricatures provenant d’une édition rare de Caricatures by Enrico Caruso publiée par Follia à New York en 1922.

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Enfin, la dernière acquisition concerne un corpus de lettres envoyées par le ténor à son ami napolitain Giovanni Mascia, témoignant d’une incroyable affaire judiciaire que l’artiste a affrontée avec courage et détermination. Ce matériel autographe est accompagné de journaux d’époque, de revues, de livrets d’opéra, de disques et de partitions.

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L’exposition reconstitue la personnalité artistique et humaine du grand ténor : en commençant par ses origines modestes, elle passe par la découverte précoce de son talent artistique, illustre largement ses années de succès, s’attarde sur ses relations affectives troubles et conclut par son retour tragique au pays, sa mort et ses commémorations. En observant les quatorze vitrines, on retrace peu à peu le parcours d’une vie intense, caractérisée par des réalisations étonnantes, des joies sublimes et des drames amers. S’il est vrai que le multimédia du musée permet une approche diversifiée et créative de l’information, il est indéniable que la possibilité de voir les documents originaux est une émotion irremplaçable.

Caruso a été surnommé « le ténor des deux mondes » pour souligner son appartenance à des sphères différentes : la tradition et l’avant-garde, les techniques expressives anciennes et les technologies futuristes, la musique populaire et la musique savante. En 1902, il accepte d’enregistrer dix disques, financés par la Gramophone & Typewriter Company, et devient ainsi le premier chanteur d’opéra à faire appel à la technologie. Entre 1909 et 1911, il enregistre vingt-deux chansons napolitaines, les rendant célèbres outre-mer, sans frontières.

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Géographiquement, les deux mondes désignent également l’Italie et l’Amérique car Caruso est toujours resté affectivement attaché à son pays d’origine, mais a choisi d’émigrer pour célébrer ses triomphes. À cet égard, les lettres envoyées à Arachite et Mascia mettent en lumière des questions qui étaient brûlantes au début du XXe siècle et mais qui sont toujours d’actualité : les souffrances liées à l’émigration, les préjugés raciaux, la corruption, la mafia et le courage de certains représentants des forces de l’ordre.

Au sommet de son succès, Caruso n’oublie pas ses origines modestes et, pour alléger les souffrances des émigrés italiens en Amérique, il chante parfois gratuitement, s’attirant les foudres des imprésarios qui, au contraire, exigent des cachets très élevés. En 1906, il est jugé à New York pour harcèlement sexuel : alors qu’il observe des singes dans une cage à Central Park, il est arrêté par un policier, une femme s’approchant de lui et affirmant avoir été harcelée par le ténor. Les lettres à Mascia racontent toute l’affaire : Caruso est convaincu d’être acquitté, mais il est puni d’une amende de dix dollars : une peine dérisoire qui témoigne de la faiblesse des accusations.

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En raison de sa richesse, il fait l’objet de tentatives d’extorsion. Dans une lettre à Arachite (23 mars 1910), il avoue : « L’affaire de la main noire est vraie ! » Des membres d’une association mafieuse l’ont menacé de mort s’il ne payait pas 15.000 dollars. Mais il rapporte tout au policier Joe Petrosino qui se présente au rendez-vous à sa place et arrête les responsables. En 1919, la somptueuse demeure de Caruso est vidée par des voleurs : « Tous les objets de valeur ont été emportés et, pour les récupérer, il a dû débourser 250.000 lires. C’était pour éviter un nouveau scandale ».

Au cours de sa carrière, « le Napoléon des ténors » a chanté avec les plus grands interprètes de l’époque. Au Metropolitan, il s’est produit pas moins de 836 fois. Son nom a triomphé du temps et appartient à l’éternité. Le musée Caruso est permanent et peut être visité tous les jours, sauf le mercredi, de 9 heures à 14 heures. Un billet cumulatif permet également d’admirer d’autres beautés du Palais royal : la Galerie du Temps, les Jardins Romantiques et Suspendus, et les Écuries des Bourbon. Malheureusement, aucun catalogue de l’exposition n’a été publié et la date limite pour la visiter (12 janvier 2024) est dépassée. Notre souhait pour 2024 serait que les organisateurs la préservent, ne la démantèlent pas sans laisser de traces, mais la rendent accessible en permanence.

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Naples, Museo Caruso, Palazzo Reale di Napoli

Enrico Caruso nei documenti della Lucchesi Palli – Bibliothèque nationale, du 8 octobre 2023 au 12 janvier 2024