FANTASIO à l’Opéra Comique, c’est toujours un succès

Fantasio © S.Brion

Fantasio est de retour à l’Opéra-Comique et le succès est toujours au rendez-vous. Monté en 2017 sur la scène du Châtelet pour cause de travaux à la salle Favart, dans une mise en scène signée Thomas Jolly, le chef d’œuvre d’Offenbach (car oui, c’en est un ! ) touche à l’âme, à l’oreille et aux yeux.

Pour la genèse et le livret de l’œuvre, nous vous renvoyons à l’excellent dossier réalisé par notre rédacteur en chef Stéphane Lelièvre. Alfred de Musset est Fantasio. Fantasio est Jacques Offenbach. Tous les trois partagent la force, le courage, la vitalité et la lucidité d’être un amuseur. Dans Fantasio, la tendresse et le spirituel le disputent au pitoyable et à la farce et Thomas Jolly l’a parfaitement compris. Sa mise en scène fantastique, inquiétante et grimaçante est en équilibre constant entre le rire et les larmes et touche au plus juste.

Sur scène, pas de Bavière de pacotilles. Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Chacun verra midi à sa porte. Ou plutôt minuit à sa fenêtre car c’est ici à la lumière de la lune que les personnages croissent, vivent et meurent un peu. Les décors mouvants de Thibaut Fack sont empreints de mécanique, de machinerie, d’électricité et de photographie, nouvelles à la création de l’œuvre. Le travail des lumières d’Antoine Travert et Philippe Berthomé est géométrique et hautement symbolique. Les costumes de Sylvette Dequest passent subtilement d’un camaïeu de gris nocturne à des touches de couleurs vives et puissantes à mesure que l’intrigue s’écrit. Les mouvements scéniques s’additionnent d’effets de groupe percutants et de saynètes humoristiques. Tout trouve sa juste place et le résultat final est d’une poésie tendre et émouvante. Ajoutons à cela un très beau travail sur les textes parlés. Notre bonheur aurait pu être complet si le passage au texte chanté s’était fait avec encore plus de naturel – si naturel il y a au théâtre. Allez, osons dire que nous aurions presque souhaité que le chant soit plus parlé.

Ceci mis à part, nous sommes vocalement à la fête. Gaëlle Arquez est un magnifique Fantasio. Récente Carmen sur les mêmes planches de l’Opéra-Comique, elle se glisse avec facilité dans les habits et les notes de l’un des plus beaux rôles travestis du répertoire. La comédienne est puissante et subtile à la fois. Vocalement, le timbre mordoré de la mezzo-soprano ne se départit jamais d’une belle rondeur quitte à parfois lui sacrifier le mot. L’entente est parfaite avec la Princesse Elsbeth de Jodie Devos. Son jeu est fin et habité et la voix de la soprano semble avoir gagné en assise grave ce qui nous vaudra un bas de la tessiture du rôle joliment charpenté. Les aigus et la virtuosité sont toujours bien présents et l’interprète sait varier les atmosphères de ses différents airs avec une inspiration certaine.
Nous avions gardé le souvenir d’un Franck Leguérinel impayable en Prince de Mantoue il y a quelques années (20 ans ?) à l’Opéra de Rennes dans une version de Fantasio pour ténor. Il monte en grade ici et est un roi de Bavière truculent à souhait et à l’indéniable présence vocale. Jean-Sébastien Bou porte beau les habits du prince de Mantoue avec une intériorité grave rarement perçue dans ce rôle. Le Sparck de Thomas Dolié est superbe de souplesse vocale et physique. François Rougier est un émouvant et bien-chantant Marinoni. Anna Reinhold, Matthieu Justine, Yoann Le Lan, Virgile Frannais et Bruno Bayeux complètent cette belle équipe avec une présence et une énergie de tous les instants, alternant subtilement entre gravité et légèreté.

Dans la fosse, l’Orchestre de chambre de Paris aura rarement sonné aussi poétique. A qui la faute ? À la direction sensible voire sensuelle de Laurent Campellone. Quelles attentions à la couleur instrumentale et quelle science du rubato ! Ajoutons à cela une attention constante aux chanteurs et à la dramaturgie et c’est Offenbach qu’on révèle et célèbre. L’Ensemble Aedes est un chœur de luxe sachant alterner le forte le plus tonitruant au piano susurré avec une maîtrise étonnante. Très sollicité par la mise en scène de Thomas Jolly, les membres de l’Ensemble Aedes révèlent également de magnifiques talents de comédiens.

Fantasio est de retour à l’Opéra Comique et c’est réussite !!!

Les artistes

Fantasio : Gaëlle Arquez
La princesse Elsbeth : Jodie Devos
Le roi de Bavière : Franck Leguérinel
Le prince de Mantoue : Jean-Sébastien Bou
Marinoni : François Rougier
Flamel : Anna Reinhold
Sparck : Thomas Dolié
Facio : Matthieu Justine
Max : Yoann Le Lan
Hartmann : Virgile Frannais
Rutten / Le tailleur / Le garde suisse : Bruno Bayeux
Premier pénitent : Pascal Gourgand
Le monsieur qui passe : Pierre de Bucy

Orchestre de chambre de Paris.
Choeur – Ensemble Aedes

Direction musicale : Laurent Campellone
Chef de chœur : Mathieu Romano
Mise en scène : Thomas Jolly
Collaboration artistique : Alexandre Dain
Décors : Thibaut Fack
Costumes : Sylvette Dequest
Lumières : Antoine Travert et Philippe Berthomé
Assistante musicale : Guillemette Daboval

Reprise de la mise en scène et dramaturgie : Katja Krüger
Assistant mise en scène pour le chœur : Pier Lamandé
Chefs de chant : Martin Surot et Héloïse Bertrand

Le programme

FANTASIO
Opéra-comique en trois actes et quatre tableaux de Jacques Offenbach.
Livret de Paul de Musset, d’après la pièce d’Alfred de Musset.
Créé à l’Opéra-Comique le 18 janvier 1872. Version de Paris, reconstituée par Jean-Christophe Keck.

Opéra- Comique (Paris), représentation du mercredi 13 décembre 2023 à 20h