Splendeur et majesté de Sonya Yoncheva Salle Gaveau

La soprano superstar a fait frissonner la Salle Gaveau avec un programme alliant mélodie, chansons et airs d’opéra des répertoires français (Duparc, Chausson, Bizet) et italiens (Puccini, Martucci, Tosti, Verdi), accompagnée du piano complice de Malcolm Martineau.

C’est un bouquet fleuri de courtes pièces que nous présente ce soir Sonya Yoncheva à la Salle Gaveau, aux côtés du pianiste Malcolm Martineau. Au programme, Duparc, Chausson, Donizetti, Bizet, Puccini, Martucci, Verdi… de quoi faire tourner la tête de l’âme lyricomane en quête de sensations face à sa superstar préférée. Rigoureusement structuré en deux parties (la première en français, la seconde en italien), ce récital bilingue est introduit par la mélodie avec Duparc et son Invitation au voyage.

Avec Sonya Yoncheva, nous n’entendons pas de la mélodie dans son aspect intimiste et à demi teinte. Nichée au creux du piano, l’interprète fait contraster l’immobilisme de sa posture avec un sens de l’emphase vocale, les sentiments poussés à leur paroxysme. En somme, la verve opératique d’un Verdi appliquée à la mélodie. L’invitation au voyage arbore dès lors une teinte profondément solennelle et métaphysique, corroborée par un tempo pris lentement qui donne à la voix une amplitude parfois marquée de lourdeur. Ceci malgré un phrasé et une virtuosité dans le contrôle de la voix très appréciée, avec des graves magnifiques, puisés au fond de la gorge (« La vie antérieure ») jusqu’à l’aigu diaphane. L’enrobé opératique dans la voix fait par ailleurs pâtir la diction de l’interprète, rarement compréhensible, une donnée sensible par comparaison à ce que nous proposent certains interprètes en la matière aujourd’hui (Sabine Devieilhe, Fatma Saïd…). Au demeurant, « l’effet Yoncheva » fonctionne, et les premiers bravi fusent dès la fin du cycle Duparc. Le public est déjà conquis !

Sans forcer, l’interprète poursuit dans cet élan avec la mélodie « Hai Luli » de Pauline Viardot et sa ritournelle entêtante, alliant simplicité et expressivité du geste vocal, avec toujours une profonde intensité émotionnelle (« S’il doit un jour m’abandonner » au vibrato serré). Un mouvement retrouvé dans Le Charme de Chausson où la voix file lentement de longues volutes sur les accords au ton de choral du piano, au contraire d’un Temps des lilas puissamment théâtral, où elle offre un bal de nuances, passant sur une note tenue du fortissimo au pianissimo en un decrescendo à couper le souffle. Dans ce territoire de solennité, les Filles de Cadiz viendraient presque surprendre. La soprano joue toutefois le jeu les bras croisés, la voix nonchalante, le visage mimant le geste du mordant.

Malcolm Martineau et Sonya Yoncheva – Salle Gaveau ©Nicolas Mathieu

La seconde partie laisse apprécier une Sonya Yoncheva visiblement plus à l’aise sur le répertoire italien. L’immobilisme de la pose se décoince, l’interprète investit davantage la scène, et la voix embrasse ses lignes avec plus de justesse. Elle « raconte » davantage et le corps raconte avec elle. Le quatuor Puccini – Martucci – Tosti – Verdi se trouve ainsi bien servi. On retiendra particulièrement la fluidité aquatique du « Terra e mare », l’apogée poitriné du contre-si triomphant du « Canto d’anime » de Puccini, le port de voix si contrôlé dans « L’ultimo bacio » de Tosti, ou la poésie subtile de la « Solitaria stanza » de Verdi.

Il faut saluer la contribution essentielle du pianiste Malcolm Martineau, dont le jeu sur le Yamaha de la soirée est d’une écoute absolument louable. Les yeux autant rivés sur l’interprète que sur son clavier, guettant chaque respiration, ralenti, accélération, il tire de son instrument un cadre harmonique, rythmique et mélodique propice à l’éclosion de la plus grande liberté vocale.  À cela s’ajoute une finesse de jeu très appréciée, avec un art subtil des registres sonores. Et que dire de ces piani soudains embrassés ensemble, précieux témoignages de la complicité entre les interprètes que confirment les sourires mutuellement lancés…

Et finalement, c’est lorsqu’ adviennent les trois bis finaux que Sonya Yoncheva, libérée de son pupitre, semble pouvoir pleinement s’adonner au geste opératique avec un « Donde Lieta usci »  de Mimi de Puccini à donner le frisson, le tube lyrique « L’amour est un oiseau rebelle«  de Bizet dans un sulfureux jeu de séduction avec le pianiste, avant de retourner à la solennité première avec l’« Adieu à notre petite table » de Manon de Massenet. Le récital s’achève, et l’interprète vient à peine de se dévoiler.

Les artistes

Sonya Yoncheva, soprano
Malcom Martineau, piano

Le programme

Henri Duparc 
L’invitation au voyage
Au pays où se fait la guerre
La vie antérieure
Chanson triste

Pauline Viardot
Hai Luli

Ernest Chausson
Le temps des lilas
Le charme
Sérénade italienne

Gaetano Donizetti
Depuis qu’une autre

Leo Delibes
Les Filles de Cadix

Giacomo Puccini
Sole e Amore
Terra e Mare
Mentia l’avviso
Canto d’anime

Giuseppe Martucci
Al folto bosco

Francesco Paolo Tosti
L’ultimo bacio
L’ideale

Giuseppe Verdi
In solitaria stanza
Ad una stella
L’esule

Bis
Donde Lieta usci (La Bohème, Puccini)
Habanera (Carmen, Bizet) 
Adieu notre petite table (Manon, Massenet) 

Récital du jeudi 21 Octobre 2021, 20h30
Salle Gaveau, Paris

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