Vivre le collectif grâce aux écoutes chorales

À vivre sous cloche, nous en venons à rêver de sociabilité, de collectivité, peut-être même de nouvelles solidarités ? Dans ce climat inédit, l’ensemble vocal ou le chœur d’opéra pourrait concrétiser – par l’écoute – cette présence chaleureuse et enveloppante du collectif. Aussi, cette semaine, Première Loge sélectionne trois chœurs afin de vous entourer de ce bien-être … polyphonique ! Nous butinons dans les répertoires lyriques et religieux des trois derniers siècles pour vous offrir un panorama diversifié.

JeanPhilippe RAMEAU, danse et chœur « Forêts paisibles » des Indes galantes

https://youtu.be/3zegtH-acXEhttps://youtu.be/cF_XlT1SRHY

Dans Les Indes galantes, opéra-ballet de J.-P. Rameau (1736), « L’ Entrée des Sauvages » se déroule chez les Indiens à l’époque où la Louisiane appartenait à la Nouvelle-France. Lors de la cérémonie du grand calumet de la paix, les festivités de cette Entrée s’ouvrent avec la danse (vous préférerez le premier lien, vidéo avec chorégraphie). Ensuite, la partie vocale glisse vers le duo du jeune couple Zima (la soprano Sabine Devieilhe dans le second lien) et Adario (A. Lefèvre), enfin vers le  chœur des Indiens avec la même puissance rythmique. Si la musique ramiste demeure (génialement) connotée au style Louis XV, son élan vital nous porte à chanter et à danser en célébrant les

« Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs.
S’ils sont sensibles,
Fortune, ce n’est pas au prix de tes faveurs. »

Adolphe ADAM, chœur « Ah quel tourment ! », Le Postillon de Lonjumeau

Dans cet opéra-comique d’Adolphe Adam (1836), le tourment est loin d’être véridique … Nous sommes ici dans les coulisses de l’Académie impériale de musique sous Louis XV (encore !) et les artistes de la troupe (chœur) se plaignent … de chanter trop fréquemment ! Leur feinte révolte n’est qu’une ruse de leur chef de rébellion, la haute-contre starifiée (ténor), ancien postillon, et de son acolyte (baryton). Sans aller plus loin dans l’intrigue (superbe production de l’Opéra-Comique en 2019), l’énergie chorale et la vigueur des échanges entre les deux solistes nous interpelle. En la transposant dans notre année 2020, cette révolte évoque l’heureux temps où les productions lyriques se succédaient de manière trépidante sur toute scène d’opéra … Les pétitions actuelles des artistes, les actions solidaires d’orchestres et de chœurs nous révèlent leur besoin et leur désir de « chanter toujours, chanter à chaque instant » ! (évidemment dès que la crise sanitaire sera jugulée).

« Ah ! quel tourment !
Ah! quel affreux martyre !
Chanter toujours, chanter à chaque instant
Non ! non ! jamais nous n’y pourrons suffire !
Dieu, quel état, c’est par trop fatigant ! »

Krzysztof PENDERECKI, Benedictus par le Chœur des jeunes de l’Ecole de musique de Koper (Slovénie)

Ce troisième choix est une modeste manière de rendre hommage à Krzysztof Penderecki (1933-2020), disparu le 29 mars dernier. Dans le monde musical international, la stature du compositeur polonais a dominé l’avant-garde européenne des décennies 1960-1970  – Thrènes pour les victimes d’Hiroshima Les diables de Loudun – avant d’explorer la spiritualité catholique (Passion selon Saint Luc) puis de s’orienter vers un retour brahmsien dans ses dernières Symphonies.

En 2002, son Sanctus et Benedictus, chœur d’enfants a cappella, prolonge la polyphonie renaissante et baroque par sa plénitude au service de la liturgie catholique en latin. Dans ce récent enregistrement (2017), le jeune chœur féminin slovène de l’école de musique de Koper restitue cette riche polyphonie avec engagement sous la conduite de Maja Cilenšek. Juvénile, expressive, actuelle : leur prestation nous relie au collectif !

Et si vous disposez de temps pour chanter l’opéra depuis vos écrans, essayez les tutoriels de l’Opéra-Comique : échauffement vocal et playlist vous attendent sur www.opera-comique.com/fr/saisons/saison-2020/l-operaoke-reprend-service